Internationale Kulturwissenschaften
International Cultural Studies
Etudes culturelles internationales

Sektion II: Transformation alter wissenschaftlicher Institutionen

Section II:
Transformation of Old Scientific Institutions

Section II:
Transformation dans les anciennes institutions scientifiques


Hanife Güven (Izmir) (1)
Restructuration des langues vivantes en Turquie

 

Dans le cadre de la rénovation des structures de l'enseignement, le gouvernement turc vient d'entreprendre deux profondes transformations dans son système éducatif. La première de ces transformations est celle qui prolonge la scolarité obligatoire jusqu'à l'âge de 14 ans et avance de deux ans l'introduction d'une langue étrangère. La deuxième est celle de la restructuration des facultés de pédagogie, établissements de formation commune de tous les enseignants de la maternelle à l'université.

1. Aperçu historique

En effet, la loi de base de l'Education nationale no:1739 qui est entrée en vigueur en 1973 prévoyait à la fois la prolongation de l'éducation de base de 5 à 8 ans et s'était fixé comme principe d'offrir, aux enseignants de tous les niveaux, une formation initiale universitaire. Ainsi l'année scolaire 1974-1975 a vu la suppression d'une partie des écoles normales d'instituteurs et d'institutrices et une autre partie se transformer en lycées. La mise en place des instituts de pédagogie de deux ans a permis de former les instituteurs recrutés à la fýn des études secondaires. Entre 1975-1980 ils ont dû faire face à plusieurs problèmes comme absence d'enseignants, pressions politiques etc., et le 25 juillet 1982 ils ont été rattachés aux universités. L'année scolaire 1989-1990 la formation a été prolongée de 2 ans (le décret no:89.22.876 du 23.05.1989 de YÖK) et enfin en 1992 ils ont été insérés au sein des facultés de pédagogie en se transformant en départements d'éducation de base( la loi no: 3837 du 03.07.92). En revanche il n'y a eu aucun effort dans le domaine des écoles de base.

Quant à la deuxième transformation, elle se fait au sein des facultés de pédagogie. Nommé à l'origine "institut pédagogique", l'objectif principal de ces établissements était de former, dès les années 1940, des enseignants pour le collège en offrant une formation de 2 ou 3 ans suivant les départements. A partir de la rentrée 1967-1968 tous les départements commencent à offrir une formation de 3 ans jusqu'à la rentrée 1978-1979 où la formation est prolongée à 4 ans dans ces établissements qui s'intitulent désormais Ecole Normale Supérieure et assurent la formation des formateurs du secondaire. En 1982, (loi no:2547) ils deviendront des facultés de pédagogie sous la tutelle des universités.

 

2. La nouvelle configuration du système éducatif

2.1. Prolongement de la scolarité obligatoire

Cette réforme qui est une rénovation radicale dans une conjoncture socio-économique assez difficile est entrée en vigueur la rentrée 1997-1998 dans le cadre de la loi relative à l'éducation no:4306 du 16 août 1997. Elle correspond à une exigence de cohérence, de démocratisation et de réduction des inégalités sociales (et non pas à la seule uniformité/uniformisation comme le prétendaient certains partisans de la démocratie). Elle a entraîné par la suite une mise à jour des programmes qui a eu une conséquence directe sur l'enseignement des langues vivantes. En effet un autre grand mérite de la réforme du système éducatif est l'avancement de 2 ans de l'apprentissage d'une langue étrangère. Il commence désormais dans les écoles primaires, dès la quatrième année de la scolarité, c'est-à-dire à 10 ans, à raison de 2 heures par semaine.

Parallèlement il a été mis en place des commissions disciplinaires pour le renouvellement des contenus et la rédaction de nouveaux manuels. L'esquisse des programmes a été analysée, dans chaque département, par ces commissions qui y ont ajouté leurs propositions. Cette démarche qui fait intervenir les différents acteurs du système éducatif a été considérée comme un pas important dans le processus de la démocratisation de notre pays.

 

2.2. Restructuration des facultés de pédagogie

La réforme des facultés de Pédagogie qui se fixe comme objectif principal de mieux répondre aux besoins créés par la généralisation jusqu'à l'âge de 14 ans de l'obligation scolaire, est entrée en vigueur une année après la première réforme l'année scolaire 1998-1999. Etablissements de formation des enseignants de tous les niveaux et de toutes les disciplines de l'enseignement secondaire général, les facultés de pédagogie sont désormais définies comme des établissements d'enseignement supérieur dont la tâche principale est de former des enseignants aussi bien et surtout pour l'éducation de base de 8 ans. Dans cet objectif, la priorité est donnée à la création de nouveaux départements destinés à former des professeurs d'école.

La réforme entamée dissocie d'autre part la formation académique et la formation professionnelle. La formation académique sera donc assurée désormais par les facultés des Lettres et des Sciences à raison de 7 ou 8 semestres. Les étudiants qui se destinent à l'enseignement iront ensuite compléter leur formation dans les facultés de pédagogie où ils suivront un programme intitulé "maîtrise sans mémoire" de 3 semestres dont le cursus sera à dominante professionnelle (pédagogie générale, didactique, évaluation, stages, etc.) Vu le besoin pressant pour le moment, certains départements, comme Langues, Beaux-Arts, Education physique et sportive, Informatique et Technologie de l'éducation, poursuivent leur ancien programme dans les facultés de pédagogie en assurant les deux formations.

 

2.3. Restructuration des langues vivantes

Un des grands mérites de la réforme de l'éducation de base est l'introduction d'une langue étrangère dès la 4ème année de l'enseignement primaire à raison de 2 heures par semaine. Elle est ainsi avancée de deux ans par rapport au passé. Ce n'est qu'à partir de la 6ème année que l'horaire hebdomadaire passe à 4 heures(voir Bulletin du Ministère de l’ Education Nationale, Ankara, octobre 1997, 2481). Il est indiqué d'autre part qu'on peut utiliser les 2 heures des options obligatoires en vue de renforcer la langue vivante. L'horaire hebdomadaire est de 30 heures avec 15 matières obligatoires. Les options obligatoires sont introduites à partir de la 4ème année à raison de 4 heures par semaine et peuvent être poursuivies jusqu' à la fin de l'éducation de base à raison de 1 à 2 ou 1 à 3 heures par semaine. Pour chaque option est indiqué un horaire minimum et un horaire maximum. L'initiative de l'utilisation de la différence est assignée à l'établissement.(voir Bulletin du Ministère de l’Education Nationale, Ankara, octobre 1997, 2481)

En ce qui concerne l'enseignement supérieur, les études linguistiques sont réparties essentiellement en 4 types de filières, les deux premières prolongeant les structures traditionnelles et les deux dernières étant relativement nouvelles:

a) Départements de didactique
b) Départements de langue et littérature
c) Départements de langue et culture
d) Département de traduction et interprétariat (T. C. YÖK, Egitim Fakülteleri Ögretmen Yetistirme Programlarinin Yeniden Düzenlenmesi [Conseil de l’ Enseignement Supérieur Révision des programmes de formations de maîtres], Ankara, Mars 1998)

Placés au sein des facultés de Pédagogie, les départements de didactique offrent une formation de formateurs. Les trois suivants relèvent soit des facultés des Lettres, soit des facultés des Sciences et des Lettres, et soit, enfin de l’unique Faculté de Langue et Histoire-Géographie. La réforme s’opere au niveau des Départements de didactique alors que les Départements de langue et de littérature recrutent le plus grand nombre d’étudiants. En ce qui concerne la langue française les trois premiers types regroupent 21 départements sur 25 dans lesquels les objectifs sont assez vagues et il n'y a aucune orientation professionnelle pour le public.

Par ailleurs le nouveau programme est complété par un certificat d'enseignement dans le primaire pour les étudiants désireux de devenir instituteurs. Dans un pays ou on souffre d'une forte croissance démographique cela nous paraît une solution tout à fait opportune pour combler les lacunes de l'éducation de base.

 

2.4. Résultats provisoires

Dans l'opinion publique turque, les deux réformes ont suscité des polémiques violentes. Le prolongement de l'éducation de base a été considérée par certains comme une atteinte à l'enseignement religieux, puisque ce dernier devrait désormais débuter après l'éducation de base donc à 14 ans au lieu de 11 ans, autrement dit, après une éducation laïque obligatoire de 8 ans au lieu de 5ans. Quant à la réforme des facultés de pédagogie, elle était considérée par les enseignants et chercheurs du terrain comme une intervention imposée par le Conseil de l'Enseignement Supérieur qui les contraignait à subir sa loi. Alors que la participation active de différents acteurs rendrait plus lisible et plus claire et par conséquent plus efficace cette réforme qui a quand même ses mérites.

 

3. De nouveaux défis

A l'aube du XXI siècle où la mondialisation accélérée a tendance à bouleverser les jeunes avec ses contradictions, à les fasciner avec ses "mythologies", la mission des systèmes éducatifs est de leur faire prendre conscience. En ce sens plusieurs défis se présentent devant le système éducatif turc pour s'adapter à ces changements vertigineux, à commencer par la place et la promotion des langues vivantes: ni l'horaire consacrée, ni le nombre de langues offertes dans les établissements de l'éducation de base ne nous paraît compatible avec une véritable politique linguistique. Pour donner un exemple, pendant l'année scolaire 1997-1998 nous avons constaté à Ýzmir, troisième grande ville de la Turquie, que le français était enseigné dans seulement 2 établissements au niveau de la quatrième année de l'école de base, alors qu'on estime à 800 le nombre de professeurs de français au chômage.

Quant à la restructuration des facultés de Pédagogie, la nouvelle réforme opère peut-être un changement radical, mais par ailleurs elle risque de le freiner du fait de son incrédibilité pour les acteurs du terrain dans la mesure où il s'inspire de modèles éducatifs américains ou/et européens sans tenir compte des enjeux de la nouvelle société globale, ni des exigences nationales, voire régionales.

Ainsi le grand paradoxe de cette réforme est avant tout son haut degré de centralisation, et par conséquent son décalage par rapport à la réalité sociale. Dans un pays de plus 700 000 km2, chaque région ayant ses besoins propres, l'imposition d'un seul programme à toutes les facultés de pédagogie, avec très peu de cours optionnels ne nous paraît pas très rentable dans le sens économique.

Il n'est rien prévu dans ce nouveau programme pour les jeunes diplômés qui ne se destinent pas à l'enseignement. Les jeunes étudiants des départements de didactique ou de langue ou de littérature du FLE actuels sont encore une fois déçus parce que, faute de débouchés ils sont contraints à travailler dans les secteurs qui n'ont rien à voir avec leur formation. Or la présence de 280 entreprises françaises à l'heure actuelle dans notre pays crée un besoin accru non pas de professeurs de français, mais de formations professionnelles dans le domaine des affaires, du tourisme, de l'hôtellerie, du secrétariat, du juridique ou de la traduction.

Dans la région égéenne, il existe deux départements de français, l'un dispensant une formation de professeurs de français, l'autre, créé en 1995 en vue de proposer des études littéraires mais qui n'est pas pour le moment en fonctionnement par manque de personnels académiques. L'existence de 4 lycées bilingues francophones supporte mal une filière traditionnelle supérieure d'enseignement de français avec très peu de cours optionnels, et ne répondant aux exigences réelles de la région.

 

4. Pour conclure

Tout en acceptant que la réforme de l'éducation de base constitue la plus grande révolution des cinquante dernières années, nous savons maintenant qu'elle est perfectible à plusieurs points de vue.

  1. La réforme au niveau des écoles de base qui, sous la pression des conjonctures internationales, était en fait inévitable, pour être fructueuse, doit être complétée par l'introduction d'une seconde langue obligatoire, conformément à la politique de l'Union Européenne. Ceci est également valable pour la formation des enseignants. Il serait préférable qu'on réintroduise dans les cursus supérieurs l'étude d'une langue vivante et que les futurs enseignants de langues en connaissent une deuxième. Lutter pour le plurilinguisme c'est lutter pour l'avenir.
     
  2. Une véritable réforme ne peut pas se concevoir comme un simple avancement de l'âge et un changement de méthode. Pour faire un apprentissage efficace de langue, il faudrait au moins doubler le nombre d'heures consacrées à l'enseignement des langues et étaler les cours tout au long de la semaine. Quant à la rédaction des méthodes l'expérience nous a montré dans le passé que c'est une tâche longue, lourde et par conséquent ingrate. Il est souvent constaté que, surtout dans les pays sous développés, ce sont les méthodes qui déterminent le contenu des cours. D'où la nécessité pour les professeurs,en vue de ne pas se cantonner sur les méthodes qui risquent de se figer rapidement, de s'assurer une formation permanente.
     
  3. La représentation d'une langue est en partie liée à celle de son enseignement. En Turquie, les succès des écoles bilingues privées en sont une preuve. Il échoit donc aux différents acteurs de sensibiliser l'opinion publique au sujet de la valeur formative de chaque langue, de prendre en charge les initiatives et d'intervenir comme partie prenante dans les décisions politiques qui les engagent. Dans cet ère de mondialisation où d'une façon paradoxale le repli identitaire et la valorisation du particularisme éthnique et religieux gagnent du terrain, c'est la connaissance des langues qui permettra aux jeunes de s'éloigner de leur microcosme pour découvrir les valeurs universelles communes à toutes les cultures en même tant que les diversités qui peuvent exister entre leurs propres cultures et celle du pays dont ils apprennent la langue. C'est ainsi qu'ils apprendront à respecter l'autre, à acquérir le sens du relatif et l'esprit de tolérance dont nous avons tant besoin.
     
  4. Un examen même superficiel des programmes nous permet de constater la surcharge des disciplines variées. Des équipes pluriridisciplinaires pourraient en regrouper certaines relevant de domaines voisins tout en préservant une certaine cohérence. Cela permettrait de baisser le nombre des matières obligatoires et offrirait aux élèves une vision plus globale du monde qui les entoure, tout en contribuant à leur autonomie. Dans ce contexte un investissement massif des technologies de l'information et de la communication constituerait un attrait supplémentaire à condition, d'abord de former les enseignants à cet atout de la pédagogie moderne qu'est le cyberespace.
     
  5. Dans un pays très ouvert sur l'universel comme la Turquie, on ne peut pas se contenter de l'enseignement du français en général. Il est donc nécessaire de prendre en compte la demande sociale d'une part et la demande des apprenants d'autre part et inscrire les problématiques dans un contexte régional, national, européen et universel.Au premier abord, il faudrait penser à la formation des formateurs et préparer de nouvelles certifications, créer ensuite des départements qui dispensent un enseignement du français des spécialités particulièrement dans les régions porteurs. Prévoir d'autre part dans les facultés de Pédagogie des diplômes destinés à l'enseignement technique qui combinerait les langues avec d'autres disciplines. On aura ainsi diversifié d'une part la formation des enseignants en formant des professeurs de langues pour l'enseignement tant général que technique et professionnel qui sont les parents pauvres du système éducatif quant à l'enseignement linguistique et les filières de langues qui préparent à d'autres métiers, ce qui offrira aux jeunes étudiants de français de nouvelles perspectives.
     
  6. En Turquie, la lourde burocratie empêche de renforcer les liens entre les différents établissements, alors que les institutions scolaires, les universités, les entreprises, les parents, les responsables politiques devraient coopérer étroitement pour mieux répondre à l'intérêt public et mieux unifier l'avenir.

C'est dans la mesure où nous saurons intégrer les nouveaux paramètres de la modernité, que ce soit la flexibilité, la simplification des procédures, l'échange et le partage, la décentration, le pluriliguisme que nous pourrons relever les défis du 3e millénaire. En cette ère de globalisation, la Turquie se permettra-t-elle d'appréhender ces enjeux?

 

(1) Université de Dokuz Eylül, Faculté de Pédagogie de Buca, Département de Français.

 



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