Trans Internet-Zeitschrift für Kulturwissenschaften 15. Nr. Juli 2004
 

1.4. The image of the "Other" in the contacts of Europe, Asia, Africa and America
HerausgeberIn | Editor | Éditeur: Agata S. Nalborczyk (Warsaw)

Buch: Das Verbindende der Kulturen | Book: The Unifying Aspects of Cultures | Livre: Les points communs des cultures


Quelle culture enseigner?

Neriman Eratalay (Université de Hacettepe, Ankara)
[BIO]

 

Introduction

La connaissance d'une culture et la reconnaissance des cultures exigent un effort pour comprendre l'Autre non seulement en apprenant sa langue mais aussi en découvrant son identité formée par une Histoire et une Culture. Nous pouvons distinguer dans la culture d'un peuple un côté pratique et matériel qui se rapporte aux attitudes, aux comportements des individus, à leur manière de vivre, aux usages et, un aspect plus désintéressé comprenant le domaine des arts, des valeurs spirituelles, religieuses et métaphysiques. La culture réunit en elle-même la compétence référentielle, celle qui concerne la civilisation, et la compétence ethno-socioculturelle, celle qui se réfère au domaine du fonctionnement culturel implicite où nous pouvons placer les connaissances empiriques, les mythologies, un imaginaire collectif. La transmission des savoirs étant effectuée par la langue, il est évident qu'un lien indissoluble existe entre la langue et la culture; d'ailleurs, la langue elle-même est considérée comme un support culturel à l'oral et à l'écrit. Elle sert donc à assurer l'acquisition des compétences, dont celle de la communication. Celle-ci s'établit dans un contexte à travers un canal et aboutit à un message; c'est la combinaison de diverses composantes, à savoir la composante langagière et la composante culturelle. Une bonne communication ne peut avoir lieu entre un natif et un apprenant de langue étrangère que si ce dernier est muni des connaissances culturelles. R.Galisson illustre son hypothèse à l'aide du mot "poisson"(1). Dans la mesure où les rencontres internationales se multiplient sous différentes formes (voyages, études, immigration) les échanges en langues étrangères ne se limitent plus à la seule communication entre natifs et étrangers mais facilitent le dialogue entre des interlocuteurs dont chacun a sa langue maternelle et qui se trouvent dans une situation de communication en une langue étrangère commune. La compétence de communication prise comme une capacité globale, la compétence de communication en langue étrangère en est une composante; la première, c'est la macro-compétence de communication et la deuxième, la micro-compétence de communication qui exige de refaire le chemin de l'accès au mode à travers le langage.

 

I-Culture et enseignement

Quelle culture devons-nous enseigner aux apprenants de langues étrangères, à savoir à ceux qui apprennent la langue française et à quels points communs de la culture pouvons nous aboutir pour la construction d'un monde meilleur et surtout de la paix?

Nous pensons que la découverte des usages ou le mode de vie d'un peuple jusqu'alors inconnus attirerait l'apprenant et lui donnerait plus de motivation au niveau débutant, car nous pouvons considérer qu'une classe de langue est comme un horizon ouvert sur la culture cible et aussi sur les différentes cultures représentées dans les milieux scolaires et universitaires, voire dans une même classe. Dans ce sens, éveiller la curiosité des apprenants, développer leur sensibilité pour une autre culture que la leur contribuerait beaucoup à leur progression. Tout en exploitant des sujets sur la vie quotidienne, la famille, l'école, les animaux, les jeux pour créer des situations de communication en langue étrangère, l'enseignement doit se fixer l'objectif d'englober l'ouverture à la culture cible, que l'on considère comme l'élément essentiel de toute communication. D'ailleurs l'étude de la nature de la culture intégrée dans presque toutes les méthodes et approches a montré que la culture, en passant par la méthode grammaire-traduction jusqu'à l'approche axée sur la compréhension (au nombre de treize) est toujours présente dans l'enseignement du FLE, sauf dans l'approche naturelle où "aucune mention particulière n'est faite de la culture"(2).

Si l'apprentissage de la langue étrangère démarre assez tôt, avant l'âge de dix ans, ce qu'on appelle "immersion précoce" ou "immersion longue" se réalise et l'enfant, à cette période la plus favorable à cet apprentissage serait plus ouvert à un apport interculturel. Car nous pouvons supposer que la plupart des enfants n'ont pas encore l'esprit façonné par les stéréotypes à l'égard des cultures étrangères. Il est à noter qu'enseigner une langue étrangère et sa culture aux enfants exige une formation que les IUFM en France ont intégrée dans leur programme, alors que nos Facultés de Pédagogie y consacrent un cours de trois heures par semaine pendant un trimestre.

A un niveau avancé, l'insertion de la pensée qui se trouve à l'origine d'une culture se fait naturellement et inévitablement. Le langage et la pensée entretenant des rapports étroits, comment ne pas nous référer aux grands penseurs français dans une classe de langue, aux artistes et aux événements sociaux qui ont bouleversé, à tour de rôle, certains équilibres pour en établir d'autres.

 

II- Nouvelles technologies

La propagation des cultures, effectuée par diverses voies, après Gutenberg et grâce à la scolarisation, s'effectue de nos jours, à une grande vitesse, et l'enseignement des langues étrangères profite largement de l'abondance et de la diversité des supports, plus exactement des multimédia. L'usage des ressources issues des Nouvelles Techniques de l'Information et de la Communication (NTIC) ne devrait pas annuler définitivement l'emploi des supports antérieurs, au contraire les deux devraient se compléter; car il s'agit de bien analyser toutes les ressources du point de vue de la multicanalité (son, écrit, iconique) et de la multiréférencialité (langues, histoire, arts) et de les utiliser d'une manière fonctionnelle, d'après le besoin du public.

Ces technologies ne doivent pas être considérées comme une discipline supplémentaire; ce sont tout simplement des outils et ressources que nous pouvons intégrer dans l'enseignement. L'entrée des NTIC dans la formation des apprenants présente des avantages mais le point de vue de ceux qui voient les NTIC comme incontournables et parées de toutes les vertus se trouve réfuté par des arguments qui traitent le sujet au niveau de l'individu-usager et au niveau culturel. Le développement des NTIC se révèle comme l'émergence d'une nouvelle idéologie techniciste qui cherche un effet de nouveauté plutôt qu'une efficacité qui serait obtenue par le partage de langues et, bien entendu, d'usages sociaux et de représentations communes. A travers les nouveaux média qui sont censés établir une interactivité, on découvre en effet, une certaine utopie techniciste, car cette interactivité reste limitée et loin de revêtir un caractère social. Les NTIC paraissent jouer un rôle dans la diversification des ressources; en fait, quand on les examine de près on observe plutôt des "hybridations" entre les pôles comme l'audio-visuel, l'informatique et les télécommunications. Et cela causera, dans l'avenir, autant de multiplications des contenus qui doivent s'élaborer en rapport avec la diversité des usages pour qu'on puisse parler d'un apport positif des ressources mises en œuvre: l'emploi d'un CD-Rom fournit un bon nombre de possibilités à l'usager, dont la numérisation, la convivialité offertes à celui qui s'en sert à sa guise. L'usage d'un tel outil permet une perception sensorielle, visuelle et auditive, mais impose à l'usager, une position statique du corps et cette immobilité face à un ordinateur s'oppose à ce qui se passe dans une classe de langue traditionnelle où le mouvement fait patrie du déroulement de l'activité.

Par l'expansion des NTIC et à cause des efforts d'internationalisation des programmes standardisés on pourrait courir le risque de gommer les référents culturels. Et cela peut générer la présentation d'une réalité qui manque d'épaisseur et d'altérité. Il faut noter également que le développement des NTIC est tout à fait inégal suivant les pays, ce qui causerait encore des inégalités au sujet d'accès au savoir et aux apprentissages. Et si nous prenons en considération la valeur qu'on attribue à ces moyens dans diverses sociétés nous pouvons constater que les NTIC ne sont pas universelles, du moins pour le moment!

Dans cette abondance de supports, le son et l'image sont privilégiés pour les enfants, tandis que les documents écrits gardent leur importance linguistique et culturelle pour les adolescents.

 

III-Formation des maîtres

Pour le choix du matériel il faut prendre en compte des variétés de la langue qu'on a souvent négligées dans l'enseignement traditionnel; la littérature y a été largement exploitée, mais ce n'est certainement pas le seul support que l'on puisse mettre en œuvre pour incorporer les éléments culturels dans la compétence de communication. Diversifier les documents, très souvent authentiques, exploiter la simulation et les jeux renforceraient la visée éducative de l'apprentissage d'une langue étrangère qui ne devrait pas être réduite à l'acquisition d'un outil de communication.

Adopter un tel point de vue permettrait à l'enseignant de procéder de manière comparative dans toute analyse culturelle; la diversité de son choix lui donnerait l'occasion d'encourager la comparaison, entre moi et l'autre, l'identité et l'altérité, et aussi d'éveiller chez l'apprenant le goût de l'interprétation. Nos propres observations sont souvent marquées par une déception de constater un manque de réflexion et de raisonnement chez les apprenants, dû en grande partie à leur formation antérieure qui n'a pas développé cette attitude. Les chercheurs soucieux de voir de futurs enseignants bien formés se posent aussi la question teinte de pessimisme: "Apprend-on jamais aux étudiants à penser par eux-mêmes?"(3). Prêts à recevoir tout enseignement et à l'assimiler, nos élèves hésitent à s'exprimer et à dire ce qu'ils pensent sur tel ou tel sujet en français. Cette hésitation se manifeste moins chez les apprenants qui parlent une autre langue ayant une parenté avec la langue cible.

Dans cette optique, pour renforcer la motivation des apprenants et les encourager à discuter, notamment, sur la culture à laquelle ils doivent s'initier, il serait utile de recourir à la simulation qui donne lieu à une véritable interaction en classe.

Lors d'un cours où les apprenants (futurs professeurs des écoles) devaient accomplir une tâche qui consistait à animer une classe tout en y traitant un contenu comportant maintes références à la culture de la langue cible, une séance découpée en plusieurs séquences, animées par différents groupes, leur a donné la possibilité de combiner ce qu'ils ont déjà acquis comme connaissances avec leur compétence à mettre en œuvre les procédés comme: un bon emploi de la voix, des mouvements du corps et du langage gestuel. Ces petites démonstrations supportées par la classe (qui simulait une classe en primaire) faites devant la caméra ont pu très bien présenter certains usages de la vie française; un petit-déjeuner; les vêtements; un restaurant; l'heure, et réunir tous les participants dans une situation d'interactivité.

Nous avons pu constater qu'à l'occasion d'une activité qui intègre à la fois plusieurs objectifs, les apprenants comme l'a bien remarqué Claude Germain, dans le cadre des approches intégrées, peuvent traiter un sujet "tout en développent leur culture, leur raisonnement logique, leur sens de l'observation ou toute autre connaissance et habilité jugées pédagogiques".(4)

Et nous devons souligner que la pratique se révèle ici comme l'aboutissement d'une réflexion didactique et autonome et donne une idée sur l'épanouissement des compétences des apprenants voués au professorat.

Les futurs formateurs, à côté des disciplines de leur spécialité, doivent parfaire leur culture générale. Une formation continue devrait accentuer leur polyvalence (à l'exemple de l'expérience des IUFM en France). Soutenue par certaines institutions, cette formation peut être orientée également vers la recherche dans le domaine de l'éducation. Ainsi une combinaison harmonieuse de la théorie et de la pratique donnerait-elle à l'enseignant une certaine assurance dans son rôle qui a considérablement changé. Les nouvelles technologies renforcent sa position et la rendent encore plus complexe. L'enseignant moderne qui saura prendre une certaine distance par rapport à ces moyens, ressources et outils, pourra en tirer profit afin d'ouvrir à son public, la voie de la connaissance de l'autre et de sa culture.

 

Conclusion

Les futures générations conscientes de l'importance de l'ouverture à la culture de l'autre pourront œuvrer pour atteindre les masses non instruites et les cultiver; le partage des ressources matérielles et intellectuelles rendrait la paix durable et le monde plus agréable à vivre et servirait à réduire ou à supprimer les inégalités. Nous devons instaurer, de nouveau, le respect des droits de l'homme, à commencer par le droit de vivre en paix.

Nous souhaitons que les pays francophones (en ce qui concerne le FLE) fassent plus d'effort pour développer leurs relations scientifiques et culturelles avec les pays où sont implantés un grand nombre d'établissements scolaires publics et privés aussi bien qu'universitaires qui donnent un enseignement en français et qui aspirent avec beaucoup d'enthousiasme à l'interculturalité.

© Neriman Eratalay (Université de Hacettepe, Ankara)


NOTES

(1) H. Boyer, M. Butzbach, M. Pendanx. Nouvelle introduction à la didactique du FLE. Paris, CLE International. 1990. p. 76.

(2) Claude Germain. Evolution de l'enseignement des langues: 5000 ans d'histoire. Paris. CLE International, 2001. pp. 101-285.

(3) Mireille Quivy. Comment concevoir une véritable formation didactique pour l'enseignant de langues? ELA 111. 1998. Paris, Didier Erudition. p. 352.

(4) Claude Germain. op.cit., p. 175.

 

1.4. The image of the "Other" in the contacts of Europe, Asia, Africa and America

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For quotation purposes:
Neriman Eratalay (Université de Hacettepe, Ankara): Quelle culture enseigner?. In: TRANS. Internet-Zeitschrift für Kulturwissenschaften. No. 15/2003. WWW: http://www.inst.at/trans/15Nr/01_4/eratalay15.htm

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