Trans Internet-Zeitschrift für Kulturwissenschaften 16. Nr. März 2006
 

11.1. Médias et médiations, processus et communautés
Herausgeber | Editor | Éditeur: Pascal Lardellier (Université de Bourgogne, Dijon, France)

Dokumentation | Documentation | Documentation


Un modèle d'appropriation sociale des technologies de l'information et de la communication basée sur une enquête qualitative

Mozaffar Cheshmeh Sohrabi (*) (Université de Grenoble, France)
[BIO]

 

1. Introduction

Dans les recherches concernant l’usage des technologies de l'information et de la communication, il apparaît que le concept de l’usage est entouré d’ambiguïté. Cette notion est employée parfois à la place de la pratique, de l’utilisation, etc. Ce que certains auteurs n'ont pas manqué de souligner. Selon Chambat, le terme usage est utilisé à la fois pour " repérer, décrire, et analyser des comportements et des représentations relatifs à un ensemble flou ...". Jouët a également mis l'accent sur l'ambiguïté existant parmi les différentes notions d'usage et en particulier entre l'usage et la pratique : " la distinction entre les notions d’usage et de pratique de ces objets est de fait souvent ténue car les termes sont dans la littérature fréquemment employés l’un pour l’autre".

De plus, certains auteurs présentent leur propre définition pour le terme d'usage. Jouët fait une première distinction entre les notions de consommation, d'utilisation, d'usage, d'usage social et de pratique. Selon Jouët «l’usage [...] renvoie à la simple utilisation tandis que la pratique est une notion plus élaborée qui recouvre non seulement l’emploi des techniques (l’usage) mais aussi les comportements, les attitudes et les représentations des individus qui se rapportent directement ou indirectement à l’outil»(1). Jouët explique clairement que l'usage social " fait le plus souvent référence aux comportements actifs du public dans l'utilisation de ces outils. Le cadre d'analyse demeure un schéma causal, mais il ne s'agit plus d'observer ce que les médias font aux individus mais ce que ces derniers font des médias. Les recherches se portent sur l'activité de "l'usager" et montrent la prééminence du social dans les modalités d'utilisation des objets techniques."(2) Lacroix donne une autre définition du terme usage social : " les usages sociaux sont des modes d'utilisation se manifestant avec suffisamment de récurrence et sous la forme d'habitudes suffisamment intégrées dans la quotidienneté pour s'insérer et s'imposer dans l'éventail des pratiques culturelles préexistantes, se reproduire et éventuellement résister en tant que pratiques spécifiques à d'autres pratiques concurrentes ou connexes".(3)

De plus, certains auteurs ont insisté sur les notions telles que l'appropriation. Parmi ces auteurs, nous empruntons la définition de Proulx : " la maîtrise cognitive et technique d'un minimum de savoirs et de savoir-faire permettant éventuellement une intégration significative et créatrice de cette technologie dans la vie quotidienne de l'individu ou de la collectivité."(4)

 

2. Cadre théorique

Dans cette étude, nous adoptons l'approche de l'appropriation pour les technologies de l'information et de la communication. Nous apportons les éléments d'un nouveau modèle de l'appropriation sociale d'une technologie en insistant sur le cas des outils de recherche.

2.1 Approche de l'appropriation

L'approche de l'appropriation sociale est centrée sur la "mise en œuvre" ou "mise en usage" des objets techniques dans la vie sociale en s’appuyant sur la disparité des usages et des usagers. Les recherches effectuées dans le cadre de l'appropriation sociale analysent également les usages "du point de vue des usagers" [Chambat, 1994]. De plus, l'appropriation sociale des objets techniques met l’accent sur la construction sociale des usages technologiques [Jouët, 1992]; car le point le plus important de ce procès est que l’usager occupe une place centrale dans l'usage des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Vedel explique clairement la place et le rôle des usagers " Si la technologie a pendant longtemps été considérée comme structurant les usages qui en sont faits, les travaux sociologiques les plus récents tendent à renverser cette perspective et à penser la technologie comme modelée par les pratiques des usagers."(5) Les travaux de Jouët montrent cette prééminence du social dans les modalités d'utilisation des objets techniques. Elle insiste sur le rôle et la place des usagers dans le processus de l'appropriation sociale des technologies.

En ce qui concerne la méthodologie, l'approche de l'appropriation sociale s'alimente et emprunte surtout sa méthode aux approches ethnographiques. Les chercheurs privilégient d'orienter leurs recherches dans le contexte qualitatif en s'appuyant sur l'observation, l'entretien, etc.

Dans le cadre de cette approche, de nombreuses recherches théoriques et empiriques sont effectuées autour des questions majeures telles que le cadre conceptuel de l'appropriation sociale [Chambat, 1994; Jouët, 1992; Proulx, ; Lacroix, 1994] , le rôle des technologies sur la technicisation des pratiques de communication [Jouët, 1992] , la culture technique, le lien social [Jouët, 1992] , l'imaginaire technique [Toussaint, 1992; Lacroix, 1994] , le rôle des représentations dans l'usage des objets techniques, les technologies et le changement dans la vie personnelle et professionnelle [Jouët, 1992] , la socialisation des techniques [Jouët, 1992] , l'autonomie [Jouët, 1992] , la socio-politique des usages [Vedel, 1994] , l'interrelation de la technique et du social [Jouët, 1992] , la médiation technique, l'analyse des usages différenciés selon les groupes sociaux et à travers l'examen des significations des usages [Chambat, 1994; Mallein et Toussaint , 1994 ] , l'intégration des nouvelles technologies de la communication dans les sphères publique et privée, etc.

L'étude approfondie des différents concepts et cadres théoriques concernant l'appropriation sociale des technologies dans le champ de la science de l'information et de la communication montre le manque d'un modèle exhaustif pour l'appropriation sociale d'un objet technique. Les recherches empiriques effectuées et en particulier celle que nous avons réalisée sur les divers supports ou sources d'information scientifique et technique confirment que les modèles anciens présentent des limites. Nous essayerons de présenter ici "un nouveau modèle de l'appropriation sociale d'une technologie".

2.2. Vers un nouveau modèle de l'appropriation sociale d'une technologie

Ce modèle décompose le procès d’appropriation sociale d’une technologie en huit sous-procès qui se renforcent et s’atténuent mutuellement. Une partie de ces composants est centrée sur la technologie elle-même et l’autre sur le sujet que nous appelons dans cette étude "l’usager". En ce qui concerne les technologies, chacune présente des caractères attracteurs et des caractères répulsifs. Les attracteurs sont la base centrale de l’appropriation d’une technologie et par contre les répulsifs sont la base de non-appropriation d’une technologie. Concernant le sujet, il existe sept facteurs importants pour l’appropriation sociale ou le rejet d’une technologie, à savoir : le besoin, la connaissance, l'apprentissage, l'appropriation, la désappropriation, le renforcement et l'atténuation, et la banalisation [Figure 1]. Selon ce modèle, le dernier maillon dans le processus d’appropriation sociale d’une technologie est la banalisation. Elle se fait à travers certains renforcements.

 

3. Eléments du modèle d’appropriation sociale d’une technologie, résultats

L'objectif principal de cette étude est de présenter une nouvelle approche pour analyser les données correspondant à l'appropriation sociale des nouvelles technologies de l'information et de la communication.

Nous nous appuyons sur une enquête qualitative par entretiens semi-directifs qui a été menée en mars et avril 2004 auprès de chercheurs et d'enseignants-chercheurs en sciences exactes des établissements publics de Grenoble. L’échantillon est composé de 50 chercheurs rattachés à 15 laboratoires de recherche.

Nous analysons ci-après, élément après élément, les résultats obtenus sous l’angle du modèle d'appropriation sociale d'une technologie introduit plus haut.

3.1. Attracteur et répulsif

Dans le procès de l’appropriation, nous considérons deux filtres, le répulsif qui est un filtre pour la non-appropriation et l'attracteur qui est un filtre pour l’appropriation. Il est important d'identifier les facteurs attracteurs d’une technologie, à savoir : les capacités (fonctions), l'efficacité et les caractéristiques d’une technologie. Autrement dit, les attracteurs d'une technologie renvoient aux intérêts, aux besoins et aux attitudes d'un individu. De plus, il est essentiel de constater que le répulsif n'est que la dénégation de l'attracteur. Exemple d’attracteur "est pas cher", Exemple de répulsif "est cher". Ils peuvent être différents d’une personne à l’autre. En ce qui concerne l'outil de recherche favori des scientifiques, quasiment tous (48 sur 50 ) ont nommé Google ( pour un individu c'est Yahoo et pour un autre c'est Copernic).

La rapidité et la pertinence (des réponses ou des résultats obtenus) sont les plus puissants mobiles attracteurs pour le moteur de recherche Google. Un chercheur physicien dit à ce propos : "... Google c'est plus rapide, plus pertinent, enfin, les résultats sont bons avec Google. Et je regarde plus rien d'autre [chercheur, Physique, N° 64] ".

L'efficacité est un autre facteur attracteur de moteur de recherche Google. Plusieurs chercheurs ont mis l'accent sur ce point. Un physicien chargé de recherche compare l'efficacité de ce moteur avec AltaVista et il est impressionné de l'efficacité de Google : " j’ai mis pas mal de temps à passer à Google, j’utilisais AltaVista avant, j’ai vu la différence et c’est impressionnant. Là en ce moment, je pars chercher, ça marche très bien, je suis souvent impressionné par la façon dont google marche... AltaVista ne trouve pas ce que je cherche. Google trouve vraiment ce que je veux ... [Chargé de recherche, Physique, N° 58]".

La simplicité de la page d'interrogation est notée par plusieurs chercheurs. Google a deux interfaces de recherche : une page pour la "recherche simple" et une pour la "recherche avancée". Les chercheurs comparent la simplicité des pages de recherche Google avec les autres moteurs de recherche et insistent sur la simplicité de Google comme l'explique ce doctorant informaticien : " ... mais maintenant c’est Google uniquement. J’ai tout essayé pratiquement. ... Google à quand même l’avantage d’être simple et concis. ... une interface très simple, il y a un champ texte et c’est tout. ... [Doctorant, Informatique, N° 23]". Un autre informaticien en comparant les interfaces de Google avec les autres, critique l'interface du moteur de recherche AltaVista, qu'il trouve désagréable et surchargé : " Avant, j’utilisais AltaVista. Depuis 3, 4 ans même plus, j’utilise google. ...L’interface, j’ai vu que là récemment ils en ont pris conscience, ils l’ont changé, l’interface était très désagréable, on n’arrivait pas à faire des recherches avec n’importe quel alors que google a une interface toute simple, très sobre par rapport aux autres. Il y avait plus de publicités sur AltaVista, on a du mal à s’y retrouver à un moment [ Doctorant, Physique, N° 75]".

3.2. Besoin

Il nous semble que le besoin est le plus fondamental des éléments de l’appropriation ou du rejet d’une technologie. C’est pour cela que nous le mentionnons comme la mère de l’appropriation ou du rejet d’une technologie. Le besoin peut être plus ou moins prononcé et plus ou moins effectif (réel). On peut trouver différentes formes de besoin comme le besoin mental, social etc. Le détail des résultats de cette recherche dévoile le besoin comme un élément majeur du procès de l’appropriation d’une technologie. En effet, la plupart des chercheurs utilisateurs exclusifs de Google, justifient leur non-utilisation par l’absence ou l’insuffisance du besoin. Un mathématicien enseignant-chercheur qui a déjà utilisé d'autres moteurs de recherche explique son réel besoin : " J'ai utilisé d'autres moteurs de recherche. Il peut y en avoir d'autres qui sont mieux que Google mais je n'ai pas besoin d'autres... [ Enseignant-chercheur, Mathématiques, N° 5]". Un doctorant informaticien nous dit de même : " ...Pour moi, c’est pertinent, ça me suffit, je n’ai pas besoin de passer par d’autres... [Doctorant, Informatique, N° 24]".

3.3. Connaissance et apprentissage

La connaissance est l’un des facteurs déterminants dans le procès de l’appropriation d’une technologie. Lorsque nous parlons de connaissance d’une technologie, deux significations viennent à l’esprit.

Premièrement, la connaissance sur l’existence d’une technologie. A la question : "est-ce que vous connaissez des métamoteurs de recherche comme Copernic, Metacrawler etc.?", la majorité des chercheurs (47 individus sur 50) a répondu qu'ils ne connaissent aucun métamoteur de recherche. De même, plusieurs chercheurs soulignent qu'ils ont utilisé d'autres moteurs de recherche avant de connaître Google. Cela signifie qu'être informé de l'existence d'un objet technique est une des composants du procès de l'appropriation sociale, comme le dit un doctorant informaticien : " Avant j'utilisais d'AltaVista, Yahoo, et Copéra. Je trouve pour moi Google mieux adapté. Parce que, en fait, quand j'ai commencé avec Copéra, je ne connais pas Google... [Doctorante, Physique, N° 70]".

Deuxième signification de connaissance : avoir un minimum de savoir ou savoir-faire sur la technologie. La culture technique et la capacité d’utilisation sont donc très importantes. Un enseignant-chercheur dit à ce propos : "...Évidemment, il faut savoir. Avec l’expérience, on sait quel mot-clé vont nous mener là où il faut. Mais dans toutes les bases de données et tous les moteurs de recherche il faut un petit peu s’habituer à savoir comment elle fonctionne et tout ... [Enseignant-chercheur, Informatiques, N°34]."

3.4. Appropriation (critères)

Un individu s'approprie une technologie à partir du moment où elle ajoute quelque chose à sa vie. Si la technologie correspond aux besoins d'un individu ou si elle se combine (s'apparie ) bien avec ces besoins alors, elle sera appropriée. Il existe donc des critères chez le sujet qui influencent l'appropriation d'une technologie. L’ensemble des critères de l’appropriation d’une technologie par une personne détermine bien le taux d’appropriation de cette technologie dans sa vie quotidienne. Plus la technologie est compatible avec ces critères et avec les objectifs et les besoins, plus cette technologie a de valeur pour la personne et plus le taux d’appropriation sera élevé. Par contre, si aucun ou un petit nombre seulement de ces critères se manifeste ou si des perceptions négatives d'usager de la technologie apparaissent, alors la technologie sera désapproprié par l'un ou rejeté l'autre. En somme, les critères d’appropriation sont un ensemble des perceptions positives du sujet à l’usage d'une technologie (ou des fonctions de l'objet technique). Dans cette étude nous avons abordé certaines questions sur les critères d’appropriation des sources et supports électroniques d'information scientifique chez les chercheurs, les enseignants-chercheurs et les thésards. Mais, nous insistons seulement ici sur les critères d'appropriation des moteurs de recherche et en particulier Google.

Google est devenu un outil majeur dans les activités scientifiques ( recherche et enseignement). Pour certains scientifiques, l'importance de Google est telle, qu'il est devenu leur portail scientifique ou leur " page d'accueil " comme explique ce chercheur physicien : " Les moteurs de recherche, c'est simple regardez, j'appuie sur Internet et déjà ma page, mon home page c'est Google. Uniquement ce que j'utilise c'est google. Parce qu'il marche bien. j'ai utilisé beaucoup AltaVista à l'époque. Avant de connaître Google. Parce que Google c'est plus rapide, plus pertinent, enfin, les résultats sont bons avec Google. Et je regarde plus rien d'autre [chercheur, Physique, N° 64]".

Par Google, les chercheurs ont la possibilité de récupérer des informations scientifiques et techniques n'importe où et n'importe quand. Un enseignant-chercheur qui utilise Google pour trouver des pages personnelles dit : " J’utilise au maximum google et je pense qu’on trouve beaucoup d’infos. Au niveau scientifique, moi ce que je cherche en premier, c’est la page perso de la personne où je vais trouver le maximum d’infos sur ce qu’il a fait, sur ses publications. ... [ Enseignant-chercheur, Informatique, N° 32]".

L'accès aux informations mondiales sans se déplacer est un autre critère pour l'appropriation de Google chez les scientifiques. Plusieurs chercheurs ont souligné qu'ils trouvent la majorité de ce qu'ils veulent par Google et ils pensent que ce moteur de recherche leur permet d'éviter des déplacements. Il permet également un gain de temps. Un informaticien doctorant dit à ce propos : "... Ça évite de bouger ... [Doctorant, Informatique, N° 26]". Un enseignant-chercheur trouve souvent le texte intégral du document qu'il cherche sur Google et cela lui permet de ne pas se déplacer : " Très souvent ça m’amène à lire des articles donc je vais chercher sur le net. Donc maintenant, on les trouve de plus en plus. C’est pour ça, que je ne me rends pas souvent à la bibliothèque. [Enseignant-chercheur, Informatique, N° 35]".

Faire des recherches et des achats de matériels de travail est une autre perspective que les chercheurs ne manquent pas d'exploiter à travers Google. Un chargé de recherche physicien dit à ce propos : "... sur l‘achat matériel voir quel type de matériel il nous faut, se renseigner auprès des fournisseurs. [Chargé de recherche, Physique, N° 63]".

3.5. Désappropriation (critères)

Il existe un ensemble de facteurs et de critères importants dans le procès de l’appropriation d’une technologie qui s’opposent aux critères précédents. Nous l’avons dessiné dans les figures 1 sous le nom "Critères de désappropriation". La désappropriation comprend l’ensemble des perceptions négatives du sujet vis-à-vis de la technologie. Elles peuvent conduire au rejet direct d'une technologie ou être facteur atténuateur et aboutir finalement au rejet. Pour cela, nous isolons quatre critères qui jouent un rôle dans la désappropriation des moteurs de recherche comme AltaVista, Lycos etc. du point de vue des chercheurs : la lenteur, les résultats moins pertinents, la faible efficacité et la complexité de la page de recherche.

Un doctorant ne sert plus du moteur de recherche AltaVista depuis trois ans à cause de sa lenteur, il dit : " C'est pour la lenteur (AltaVista) [ Doctorant, Physique, N° 73]".

Une efficacité faible représente un autre aspect négatif dont se plaignent les chercheurs qui n'hésitent pas à comparer l'efficacité d'un moteur de recherche par rapport à un autre, comme nous l'explique ce physicien : " Avant j'ai utilisé Yahoo et Lycos et maintenant j'utilise Google. Je crois qu'on s'est rendu compte que les autres étaient beaucoup moins efficaces. Yahoo encore ça va, mais Lycos et tous ça ont du mal à trouver des informations...[Chargé de recherche, Physique, N° 59".

La complexité de la page de recherche de certains outils de recherche est une autre raison de leur désappropriation ou de leur abandon. Un directeur de recherche explique cela : " La page de recherche de Google est tellement simple. Pour AltaVista et Yahoo, mon souvenir c'est qu'il y avait beaucoup d'information et toujours on doit lire quelque chose [Directeur de recherche, Physique, N° 51]".

3.6. Facteurs de renforcement et facteurs atténuateurs

Les renforcements et les atténuations sont l'ensemble des facteurs qui influencent la continuité de l'usage d'une technologie appropriée ou son rejet. Quand un objet technique est approprié et intégré dans la vie professionnelle des chercheurs, sa banalisation est renforcée par certains facteurs que nous appellerons " les facteurs de renforcement ". Plus une technologie s'ajuste aux besoins des chercheurs et les satisfait, plus son usage se renforce et se stabilise. Cela est confirmé par plusieurs chercheurs. Comme l'explique un enseignant-chercheur mathématicien : " j'utilise Google essentiellement. Parce que de ce que j'ai utilisé, je trouve que c'est le plus efficace. Comme aujourd'hui il me donne satisfaction, je cherche pas d'autre [Enseignant-chercheur, Mathématiques, N° 1]". En revanche, chaque fois que les besoins sont incomplètement satisfaits et qu'une technologie alternative est disponible qui satisfait complètement ces besoins, la technologie précédente va être abandonnée. Plusieurs chercheurs parlent des facteurs atténuateurs et de leur rôle dans le rejet d'une technologie, comme cet enseignant-chercheur informaticien qui a abandonné le moteur de recherche AltaVista et il l'a remplacé par Google : " Avant, j’utilisais AltaVista mais je ne vais pas tellement sur les autres parce que Google est mieux. C’est la rapidité et la pertinence des réponses. En général, je trouve ce que je cherche dans les 1 ères réponses. ...[Enseignant-chercheur, Informatiques, N° 34]."

3.7. Banalisation

La banalisation d'une technologie dans la vie personnelle ou professionnelle est le dernier composant du procès de l'appropriation sociale d'une technologie. Un enseignant-chercheur mathématicien a fortement intégré Google à son activité. il dit : " ... ça fait à peu près 4 ans que j’utilise que google. Parce que ça marche bien et j’ai l’habitude, c’est à dire, comme je n’ai pas de problème avec google, je l’essaie, ça marche, je fais ce que je veux [Enseignant-chercheur, Mathématiques, N° 8]". Un autre enseignant-chercheur informaticien qui a mis Google en page d'accueil dit : " J’ai utilisé d’abord AltaVista, puis Yahoo et maintenant il n’y a que Google. Parce que je connais Google, je l’ai mis en page d’accueil ... [Directeur de recherche, Informatique, N° 36]" .

 

4. Les facteurs d'influence dans l'appropriation d'une technologie

L'ensemble des entretiens effectués sur différentes ressources et supports d'informations scientifiques et techniques confirme le rôle et la place de certains facteurs dans l'appropriation sociale d'une technologie. Dans ce travail, nous avons identifié de nombreux facteurs dont pourrait dépendre l'appropriation d'une technologie. Le rôle de chacun de ces facteurs peut être différent d'une technologie à une autre et aussi d'une personne à une autre. Nous allons lister ces facteurs :

Il existe certainement d'autres facteurs efficaces dans l'appropriation d'une technologie. Ceux-ci sont les facteurs que nous avons rencontrés pendant cette recherche.

 

Conclusion

Notre modèle pour le procès de l'appropriation sociale des technologies de l'information et de la communication est fondé sur une étude plus large des divers sources et supports d'information scientifique et technique. Nous l'avons illustré ici dans le cas des outils de recherche d'information en ligne. on doit maintenant envisager son application à de nouveaux objets techniques comme d'autres outils en ligne sur l'Internet ( courrier électronique, commerce électronique), comme le téléphone portable, la télévision numérique, etc.

© Mozaffar Cheshmeh Sohrabi (Université de Grenoble, France)


CITES

(*) Mozaffar CHESHMEH SOHRABI est doctorant en Sciences de l’Information et de la Communication au laboratoire GRESEC à l'université Stendhal (Grenoble 3).
Merci à Marc BERTIER, maître de conférence à l'Université Pierre Mendès France, pour la relecture.

(1) Josiane Jouet. Usages et pratiques des nouveaux outils. Dan la « dictionnaire critique de la communication. lucien Sfez.. Presse universitaire de France. Tome 1, p 371.

(2) Josiane Jouet. Pratiques de communication et changement social. Habilitation à diriger des

recherches : Sci. de la comm : Grenoble 3, 1992, p.26.

(3) Jean-Guy LACROIX. « Entrez dans l'univers merveilleux de Vidéoway », dans De la télématique aux autoroutes électroniques. Le grand projet reconduit, sous la direction de J.-G. Lacroix et G. Tremblay, Sainte-Foy : Presses de l'Université du Québec, 1994, p.147.

(4) Serge Proulx. Usages de l’Internet : la « pensée- réseaux » et l’appropriation d’une culture numérique. Dans Guichard, E (dir) comprendre les usages d’internet. Paris : édition rue d’Ulm, 2001, p. 142.

(5) Thierry Vedel. Sociologie des innovations technologiques et usagers : introduction à une socio-politique des usages. dans : Médias et nouvelles technologies : pour une socio-politique des usages (dir.) Vitalis, André. Rennes : Ed. Apogée, 1994, p.13.

(6) " ... avant, j’utilisais AltaVista mais au bout d’un moment, ça s’est mis à ne plus marcher ou je ne sais pas ce qu’il y avait alors, j’ai changé. J’en ai peut-être utilisé d’autres mais ça fait disons à peu près depuis 4 ans que j’utilise que google...[Enseignant-chercheur, Mathématiques, N° 8]"

(7) " ...Google, AltaVista, Yahoo et Voilà. AltaVista c'est plus, Yahoo non plus et j'utilise beaucoup de Google...parce qu'à la maison mon mari a l'habitude d'utiliser Google. Et m'a dit Google c'est bien. Il est bien. Et après, on est habitué à celui-là. Ca fait 5 ans que je l'utilise pour toutes les informations : scientifique et non-scientifique [ Enseignant-chercheur, Mathématiques, N° 9]". De plus, quand nous avons posé la question " Comment avez-vous connu ce moteur de recherche?", plusieurs ont souligné le rôle de leur entourage en répondant sous la forme : "un collègue m'a dit" ou " quelqu’un m’a dit que Google est meilleur"


BIBLIOGRAPHIE

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11.1. Médias et médiations, processus et communautés

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Mozaffar Cheshmeh Sohrabi (Université de Grenoble, France): Un modèle d'appropriation sociale des technologies de l'information et de la communication basée sur une enquête qualitative. In: TRANS. Internet-Zeitschrift für Kulturwissenschaften. No. 16/2005. WWW: ../../../index.htmtrans/16Nr/11_1/sohrabi16.htm

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