Internet-Zeitschrift für Kulturwissenschaften | 17. Nr. |
Juni 2008 |
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Sektion 3.1. |
Culture sans frontières / Kultur ohne Grenzen / Culture without Borders Sektionsleiterin | Section Chair: Gertrude Durusoy (Izmir) |
Fazilet Cirit (Dokuz Eylul Universitesi, Izmir)
Email: fazilet.cirit@deu.edu.tr
Dès la fondation de la République de Turquie après la guerre d’Indépendance (1919-1923) , Atatürk a commencé à réaliser des réformes et des réorganisations dans toute la vie sociale et scientifique. En prenant pour modèle l’Occident en tout, les liens avec l’Empire Ottoman ont été rompus. Ankara, devenue au lieu d’Istanbul la capitale de la République turque, est le symbole de l’éloignement du passé. Comme l’Etat est laïc, la religion et les affaires officielles sont traitées séparément. La “ conscience nationale ” et le sentiment national forment les principes essentiels.
La plus grande chance de la République prend sa source dans le système parlementaire et les cadres expérimentés et de haute qualité de l’Etat Le système du régime de l’Empire Ottoman était basé sur la discipline religieuse et théocratique; les besoins qui changent s’organisent d’après les lois empruntées à l’Europe. En profitant des lois suisses, italiennes et françaises, le gouvernement s’oriente vers le droit occidental par le code pénal, par celui du commerce etc...
La famille turque a été recréée sur le modèle occidental avec l’interdiction de la polygamie et par l’introduction officielle du mariage civil. Les mêmes droits accordés à la femme et à l’homme au sujet du divorce et à celui de l’héritage apportent un changement important dans la vie des femmes.
Le turc a été la langue de la science à partir de l’époque de Tanzimat, où il a été purifié des apports persans et arabes. Atatürk a fondé l’Académie de la langue ; la première Constitution fut adoptée et l’alphabet latin utilisé par le peuple. Les changements culturels, les croyances du peuple, les habitudes et le système des valeurs qu’on appelle “ mentalité de l’époque ” résistent à se réaliser dans un temps court, cela prendra des années; la musique, la cuisine, les objets utilisés par le peuple, les manières de se distraire, les amusements, les cafés, la vie quotidienne et la vie commune avec les autres groupes ethniques. Les éléments scientifiques de notre culture se fortifient lentement dans le temps mais leur niveau n’est pas celui de l’Europe. C’est pourquoi Atatürk a réalisé une série de révolutions pour pouvoir arriver au niveau européen en culture.(1)
Le système d’heure, de calendrier, de poids, de nom ont été changés. Le jour de repos hebdomadaire s’est déplacé: c’était le vendredi, c’est devenu le dimanche. Tous ces changements sont des signes de la civilisation moderne.
L’analyse des nouveautés républicaines nous fait comprendre que tous ces changements sont des transmissions culturelles sans subir des altérations et tous ces efforts sont historiques. Par conséquent, les fondateurs de la République ont enregistré des changements radicaux dans le régime, dans le droit et dans la vie culturelle pour créer un nouvel état moderne sur les bases de l’Empire Ottoman avec sa population. Tous ces changements sont réalisés dans une durée relativement courte. Certains changements avaient déjà commencé à l’époque finale de l’Empire Ottoman.(2)
Adalet Ağaoğlu, une femme de lettres de la première période de la République turque , transmet l’écoulement historique dans son roman Se coucher pour mourir un matin d’avril à partir de 7h 22 à 8h 49 dans une chambre d’hôtel avec une identité de femme, de maître de conférence, de professeur intellectuel sans négliger ce qui se déroule en Turquie et dans le monde. Elle nous expose l’histoire personnelle et sociale des générations dans une Turquie en voie de transformation. Les conflits entre les deux cultures ( culture ottomane et culture républicaine ) prennent leurs places dans l’œuvre.
Aysel, qui est à l’arrêt de la mort, monte au seizième étage, se couche sans habits et se met à attendre au premier arrêt du voyage de la mort pour régler ses comptes . Elle entre dans le tunnel du temps, dans son enfance et tombe sur la scène de l’école primaire d’une petite ville. Un éleve est en train de tirer le rideau de la scène pour l’ouvrir et le fermer régulièrement. Aysel retourne à la pièce de la classe terminale et Adalet Ağaoğlu à son enfance…
Sur la scène, l’un des institeurs de l’école primaire, Monsieur Dündar qui est dans la voie d’Atatürk et de la République, s’occupe de la scène, des inquiétudes des rôles déjà donnés et de leurs adaptations, des rondeaux, des polkas, des chœurs et d’une pièce des métiers…..! Une expérience sur tout…..! Pour la patrie, notre devoir est de travailler continuellement, sans se fatiguer et sans négliger de mourir pour elle. ..! Ce sont des travaux de théâtre.
Les principaux du bourg prennent leur place aurang du protocole et le peuple au fond de la salle; les femmes et les hommes sont assis dans des endroits différents. La culture ottomane ne leur permet pas de s’asseoir côte à côte.
Quant à Aysel, son père gronde sa mère à cause de sa fille ( son père est choqué du changement du régime, il n’aime pas la pièce relative à la République ) et ne veut pas envoyer sa fille à l’école, mais elle y a été envoyée. Aydın, l’un de ses amis de classe, se moque d’elle, elle en rougit, elle était dans le rôle d’un papillon aux ailes jaunes qui dansait autour des fleurs. De plus, ni son père ni sa mère ne sont venus pour regarder le spectacle.
Son père est traditionaliste et il a été critiqué par ses amis quand il a envoyé son fils, İlhan à l’école moyenne . Il se vante, de temps en temps, s’avoir fréquenté Ismet Pacha ( qui était le premier ministre, à cette époque ) pendant qu’il allait à Ankara. Il n’ a pas apprécié la participation d’Aysel à la pièce des métiers, c’est pourquoi il ne lui a pas offert un tissu de deux mètres de son magasin. Sa mère, Fitnat a secrètement sorti l’étoffe en soie de Bursa ( une ville très connue par le commerce de soie ) du bahut de son trousseau pour Aysel. Ce père dominant veut fonder son autorité sur sa femme et sur sa fille. Mais sa femme, Fitnat, poursuit silencieusement son combat, prend sa place dans le monde des femmes écrasées et à côté de sa fille, Aysel. Ces deux femmes se lassent de son autorité suffoquante, hors de sa limite qui les rend solitaires. Leur but unique était d’aider le professeur, Monsieur Dündar qui avançait dans la culture de l’occident selon les principes d’Atatürk et pétrissait les cerveaux de ses élèves avec les idées occidentales pour leur ouvrir des fenêtres. Aysel et sa mère voulaient prendre part au développement de leur pays.
Le roman Se coucher pour mourir peint le portrait de la société turque à partir de 1938 jusqu’en 1968 ; les traits historiques de la Turquie et du monde sont exposés comme un film documentaire. La vie des élèves prend sa place, de temps en temps, dans le développement du roman. Les conséquences des réformes d’Atatürk, les retentissements de sa mort, en 1938, en Turquie et dans le monde, la deuxième guerre mondiale, les impôts, la guerre de Corée et l’aide Marshall se reflètent dans le livre comme dans un film documentaire. Aysel, c’est un nom typique pour que les désaccords entre les générations soient supprimés. Jetons un bref coup d’œil sur les personnages décrits.
Aysel se rappelle tous ses amis avec des scènes de leur vie personnelle en commençant par l’école primaire jusqu’à ce qu’ils deviennent adultes, hommes d’affaires ou bien maîtres de conférence comme elle-même. Behire, une jeune fille éduquée d’après l’éducation traditionaliste (ottomane), envie les filles qui font leurs études supérieures mais on la marie malgré elle. Elle porte sa robe de mariée et Aysel, toute jeune, lui rappelle leur devoir envers la patrie, devoir qui passe avant le mariage, mais c’est tard !...
Ali, lui, est intelligent mais pauvre. Monsieur Dündar l’aide à chaque étape importante de sa vie. Aydın, fils du sous-préfet fait ses études au lycée de Galatasaray (un lycée français) . Comme il est laborieux, il obtient de bonnes notes mais il est amoureux de Aysel et du français. Namık est le fils du riche député . Aydın est jaloux de lui. Ertürk termine le lycée militaire de Bursa. Sa situatiaton brillante et orgueilleuse est un honneur pour sa famille et pour la Turquie. İlhan, le frère de Aysel, est parmi les nationalistes bien qu’elle, elle soit parmi les gauchistes. Il voulait toujours une Turquie pure de race et critique fortement Aysel à chaque occasion. Comme son père, il ne veut pas qu’elle participe aux activités des intellectuels.
Aysel, avant de se coucher pour mourir, se rappelle toute sa vie. Elle a été éduquée dans une famille traditionaliste. Ayant des dispositions intellectuelles, elle a toujours voulu avancer dans la voie de son instituteur Monsieur Dündar, à la recherche de la science et de l’époque moderne et intellectuelle que Atatürk a ouvertes à tous les Turcs. Elle fait tout pour cette mission. Elle éduque ses élèves dans ce parcours en clarté pour une Turquie moderne et contemporaine , sans connaître la moindre fatigue.
Dans la chambre de la mort, Aysel se rappelle et raconte d’une manière ironique les années qui l’invitent à son gete ; sa vie, ses souvenirs et elle tâche d’en expliquer les causes :
“Je me suis éloignée du sentiment d’infériorité au fur et à mesure que la société traditionaliste me prenait pour une femme car j’ai été toujours prise pour un être féminin, c’est pourquoi je n’ai pas tâché d’être vue au féminin. Au contraire, je me suis forcée d’avoir des tendances pour oublier ma féminité et pour la faire oublier ”.(3)
Aysel, maître de conférence , a fait comme si elle n’avait pas entendu le jeune homme, son étudiant; au contraire, elle s’est réjouie en se souvenant des voyages qu’elle avait faits en Europe et à la station termale de Bursa, Hüsnügüzel et des années suivant les 60. Elle s’est couchée avec Engin dont le père s’appelait Rıza et cela, malgré son mari Ömer, un intellectuel universitaire. Ils se sont assis face à face, ils ont chanté Ruhi Su et ils ont lu des poèmes de Nazım Hikmet , un auteur de gauche ; elle s’est sentie revivre comme si elle avait eu une injection et elle a suscité son intellectualité en apercevant son étudiant qui l’avait prise pour une femme, juste un être féminin, une femme joyeuse de vivre. Elle s’est déshabillée en prenant congé d’ elle-même pour quelque temps … “ L’étape la plus développée de la collectivité sociale est de le rendre “ homme ”(4)
Après la proposition d’Engin à l’impirmerie, elle s’est dit ainsi : puisque je ne peux pas me rendre libre et que je suffoque dans le désir de le devenir, je me couche sous celui qui vient après moi sans penser à personne ni à rien ; elle s’est allongée sur le lit, sous le jeune homme dans la chambre dont le plafond n’était pas très haut. Ils ont fait l’amour, elle a fait déchirer les rideaux d’exil et s’est sentie libre, une femme turque mais libre. Quand Engin l’a demandée pour la deuxième fois, elle lui a enjoint de se déshabiller et a continué à le regarder, mais le jeune homme s’est rhabillé en se disant qu’il le fallait ainsi, et il a serré la main de son professeur.(5) Les pierres n’étaient plus à leurs places. Elle se sentait toujours coupable. Aysel, professeur à l’université, est allée dans un hôtel pour y mourir. Elle avait voulu payer le loyer d’Engin avec l’argent qu’elle avait gagné de son livre de recherches. Elle l’a mis dans une enveloppe mais Engin lui a demandé de l’attendre dans sa chambre, en criant :“ attends-moi !”(6).
La cause de la mort était “sa déception”. Elle a eu des allers-retours entre sa tâche et ses conflits. Elle explique son comportement comme Madame Bovary et Anna Karénina et commence à penser à ce qui va se produire après qu’elle soit allée à l’hôtel : cela est aussi réel comme son désir de manger du cornichon ; sa mère va lui téléphoner quand elle ne pourra pas la voir. Le problème le plus important sera le lendemain de sa disparition et sa mort avec un bébé dans le ventre ; elle pense à téléphoner à sa bonne, mais trouve cela comique et se rappelle la note écrite à Engin dans l’enveloppe qui se trouve dans son sac. Elle s’aperçoit que cela pourrait être une piste pour l’interrogation ; personne ne pourrait penser qu’elle ait pu mourir et on ne pourrait savoir s(i) elle était vraiment enceinte qu’à l’autopsie.(7) Tout cela explique ses conflits intérieurs : mourir ou bien renaître ! Elle va jusqu’à dire des bêtises :
“Respect, il est nécessaire? Il va être au-dessus du bureau du professeur. Si on est sur la chaise du professeur, est-ce que nous aurons d’autres privilèges? Je ne peux pas penser à ma féminité à côté de mon mari . Ce qui me fait penser, ce sont d’autres choses….Ce sont des choses plus nobles, j’ai fait des études, j’ai appris, J’ai couru, j’ai couru, j’ai été fatiguée. C’est presque le moment de ne pas travailler ….presque….mais la patrie…..Sauver, apprendre, courir encore ….” (8)
Le jour où Aysel voulait mourir, elle était tellement fatiguée qu’elle n’avait pas la force de descendre du minibus. Sa fatigue, ses conflits la bouleversaient, la souffoquaient ; elle voulait tout tuer , se sauver de tout, des problèmes de ce pays et de ceux du monde…
“Elle n’a pas pu mourir. Elle s’est déshabillée. Elle a remis tout ce qui était tombé de son sac ; une branche de lilas fanée aussi à côté du petit pain juste entamé ; dans le panier d’ordure. …. Eh si on ne peut pas se suicider…Elle est directement allée dans le corridor pour retourner la note qu’elle avait déjà laissée : “ ne dérangez pas s’il vous plaît ”. Elle n’a pas voulu écouter de disques. Elle voulait voir grandir son bébé dans le ventre, qu’il soit du fils de Rıza ou de son mari Ömer. Elle n’avait peut-être pas de bébé. (9)
Aysel est dans les profondeurss des algues vertes, des poissons rouges, des gonflements qui volent dans son être profond ; il est plein de rubris, d’or, de diamants, elle a découvert qu’elle n’avait pas mis une corde à ses lombes. “ On ne peut pas faire de plaisenteries avec la mort ! Ceux qui le disent se sont fortement trompés, à cette époque ! On a écrit un roman qui s’appelle La Mort à crédit / Meurs d’abord- paie après, (...)”(10).
L’auteur de ce roman a voulu montrer comment il surmontait ses conflits. L’héroïne principale et les autres héros exposent leurs relations entre eux d’une manière convaincante ; Elle est une vraie créatrice qui ne néglige pas son entourage proche et lointain!
Aysel n’a pas pu raconter son rêve à Aydın mais elle nous l’a raconté dans son roman. Elle a eu des tâches continuelles pour empêcher sa féminité, elle a mené une vie de renoncement à elle-même. Le jour où elle a rêvé, après s’être donnée à Engin, elle s’est promenée sur les neiges avec lui. D’une part, elle était dans le plaisir du repos, d’autre part, elle s’enhousiasmait d’une manière déséquilibrée. Aysel s’intéressait-elle à elle-même, à sa féminité? Elle avait toujours des tâches, des devoirs sublimes.
L’action de rêve a deux étapes ; a) rendre denses les pensées du rêve. b) changement d’endroit pour les rêves. Avant de rêver, les pensées deviennent plus denses avec les connotations et les commentaires libres. Quand un mot ou bien une phrase est prononcée dans le rêve, c’est l’œuvre d’une immensee densité des pensées. Elle leur accorde plusieurs sens. Quelques éléments du rêve peuvent être ceux du rêve caché. Les changements du point de vue du sujet et de l’endroit peuvent se produire. La censure peut donner lieu aux éléments secondaires. Le sommeil aide à les voir. Le rôle des éléments de la conscience, et de la subconscience sont des domaines qui influencent les rêves.(11) Si ce sujet s’explique du point de vue économique, dynamique, l’énergie de l’âme s’écoule sans heurter un obstacle ; nous symbolisons le tout en y ajoutant des liens connotatifs et l’écoulement de la vie.
Le rêve d’Aysel se passe un jour d’hiver, dans la cour de Topkapı, le palais de l’Empire Ottoman. Elle est en tête de ses étudiants. La tâche d’Aysel est importante : elle va faire démarrer un train ou bien mettre un navire à l’eau : elle doit appuyer sur un bouton ou bien casser une bouteille. Elle se trouve tout d’un coup dans le corridor de la prison où il y a beaucoup d’hommes condamnés à la détention en cellule. Ils s’intéressent à elle. Cela s’explique par le besoin et le désir sexuel de Aysel.
Maintenant, regardons de plus près la confrontation des éléments culturels impliqués. La culture contient le savoir, la croyance, tous les comportements d’un peuple, d’un pays. Elle se compose de la langue, des institutions, des lois, des matériaux, des techniques , des œuvres d’art, du monde matériel et moral.
Le choc culturel est une réaction contre la nouvelle culture. Dans notre vie, un seul élément exerce une influence tellement grande qu’on peut comprendre la conséquence de ces changements intenses dans la nouvelle culture. Premièrement, le choc culturel dépend de la densité des changements. Deuxièmment, cela dépend de notre préparation à la culture nouvelle.(12)
Le régime républicain a apporté l’éducation moderne, contemporaine et l’éducation occidentale. Le professeur de l’école primaire travaille jour et nuit pour se mettre au niveau européen. Dans une des représentations de l’école, il existe des polkas, des rondeaux et une pièce des métiers.
En Turquie, la danse d’une jeune fille avec un homme était impossible. Le rire à haute voix d’une jeune fille et sa fréquentation des hommes étaient des comportements mal vus et légers. Ni les filles ni les femmes n’avaient aucun courage dans ce domaine :
“Si mon oncle me disait que je pouvais danser avec le jeune homme aux cheveux roux,
je n’aurais pas pu danser avec lui comme je ne connaissais pas son intention:”(13)
İlhan, le frère d’Aysel prend sa place dans la partie nationaliste et conformiste tout au contraire d’elle. Il ne veut même pas que Aysel fasse ses études puisqu’elle elle est du sexe féminin. Dans la culture ottomane, les frères peuvent prendre des décisions touchant la vie de leurs sœurs :
“Pourquoi je le ferai ? C’est un instrument turc ! Aysel va travailler, elle ! Pourquoi tu fais tes études puisque tu es une fille ? Pourquoi elles font leurs études, ces filles-là ? Ta mère ou bien ta grande-mère ,ont-elles étudié ? Demain, tu vas finir le lycée et après tu vas aller à la faculté, n’est-ce pas ? Je ne crois pas ! Si mon père te laisse, moi, je ne te permets pas, tu comprends?”(14)
Etre mère demande une qualité, une solidité. Une vie mouvementée est toujours refusée.
Nous le comprenons dans la psychologie du père de Aysel devant les nouveautés:
“Il étouffait, Monsieur Salim avant d’envoyer Aysel à Ankara. Depuis que son fils savait lire et écrire, il étouffait. Il était encore étouffé quand il renconrait le professeur, il était de même quand le sous-préfet parlait d’un pays en voie de développement. Şakir Ağa les amenait manger de la viande d’agneau bien rôti dans le four avec du rakı . Il étouffait quand il envoyait de grosses dindes au commandant de la gendarmerie. (...) Il se sentait de jour en jour sans valeur. Il éprouvait de la haine au fur et à mesure qu’il rencontrait les traces de la nouvelle civilisation. ”(15)
Il était comme un ouvrier immigré :
“L’ immigrant perd sa capacité d’être compris. On le prend pour un être qui n’a pas de valeur. On le considère comme une existence qui ne sait pas ce qu’elle va faire, il est désordonné et sans force. ”(16)
Les filles ne comptent pas; elles peuvent se marier mais elles ne peuvent pas faire leurs études, elles ne peuvent pas être dans le monde des hommes, elles ne peuvent pas les fréquenter, danser avec eux, leur parler . La mère voilée de Ali parle ainsi :
“Monsieur le professeur…..a-t-elle bégayé. L’inquiétude l’a prise sur le visage fermé
par un voile. On ne voyait que les yeux de la dame pleins d’inquiétude.”(17)
Par contre, dans la culture Ottomane, il existe aussi des bons côtés de la civilisation: on respecte les personnes plus âgées, on pratique l’ hospitalité. Namık met l’accent sur ce point et en est reconnaissant. L’amour pour la patrie est comme un amour, un amour inévitable. Il est sacré et quand on est tout petit, c’est vacciné dans les veines comme l’amour d’Atatürk.
La culture européenne exerce son influence sur la société turque ; les danses, les chansons françaises, anglaises, allemandes, etc…. Les parents déjà allés en Europe amènent leur enfants aux soirées pour les habituer à la vie sociale et le sous-préfet organise des bals pour moderniser la région. Les « maisons de peuple » sont ouvertes pour éduquer tout le monde et pour faire augmenter les connaissances. Le peuple écoute des orchestres à ce moment-là. Le manque d’alimentation est un problème pour le pays, le sucre et le pain sont vendus avec le carnet. La Turquie est laïque et le premier devoir est de la conserver ainsi coûte que coûte ; des bustes d’Atatürk prennent place dans des endroits importants des villes ou des bourgades. On fonde des écoles où l’enseignement est en langue étrangère. Les villes deviennent plus modernes qu’autrefois.
Aysel ne parle pas seulement des faits importants de la Turquie mais aussi de ceux du monde ; du commencement de la deuxième guerre mondiale, des morts, de Hitler et de son image dans le monde, elle parle aussi des mouvements des ouvriers en France, en Russie, de la fin de la guerre, de la vie libre en Europe. Quand Aysel obtient une bourse pour Paris, elle se rappelle ses anciens jours en liberté :
“Elle rencontre Metin à Dupont où elle entre pour prendre du café. Elle voit des filles françaises près de lui. Il plonge sa tête dans leurs cheveux. Aysel les regarde par jalousie car elle éprouve du plaisir de ces scènes sans réserve. Si elle pouvait être comme ces filles françaises ! Si elle avait pu marcher avec le jeune homme gentil et doux [Alain] comme les petits enfants !...”(18)
Aysel critique l’éducation des filles car les hommes restaient seuls ; ils avaient faim de vie sexuelle. Leur cerveau avait faim lorsque les filles restaient à la maison, elles faisaient des broderies, du ménage, et qu’ il était interdit de les fréquenter.
Se coucher pour mourir dure une heure vingt minutes ; le froid de l’âme, le temps de déjeuner. Comme le disen Esen Nükhet et Erol Köroğlu les romans de Adalet Ağaoğlu sont des documents historiques, sociologiques et politiques. Elle écrit des romans dans un équilibre entre la réalité extérieure et la réalité intérieure qui fait penser longuement ses lecteurs et qui les fait sentir. Elle écrit des romans qui procurent de la satisfaction à ses lecteurs(19).
Les monologues intérieurs de Aysel dans Se coucher pour mourir sont coupés par les paroles d’un narrateur sans identité qui regarde de l’extérieur les évenements et les personnages.
Les lettres, les notes de son journal, de la radio et les nouvelles des journaux se distinguent en trois groupes : dans ces narrations différentes, le premier groupe se compose des textes documentaires réalisés après la mort de Atatürk ; ce sont des documents, des nouvelles, des rapports, des exposés officiels dans la République turque. Les monologues intérieurs de Aysel et les conversations officielles sont en contraste. Le passage de l’un à l’autre porte des ruptures frappantes. La narration qui reste en dehors de la voix intérieure d’Aysel et ce qui l’entoure s’étouffe, s’imite, et s’ironise mais sa voix adulte est protégée de ces effets. Cet ordre esthétique moral, réfléchi rend sa narration différente des autres auteurs et Adalet Ağaoğlu devient inaccessible. Aysel a la capacité de se moquer d’elle-même par exemple; elle ressemble à un bassin qui déborde:
“Est-ce que j’ai vraiment eu cette idée ? Pourquoi je ne tiens pas tant à moi-même, où est-ce-que je trouve l’idée d’être une piscine remplie jusqu’au bout. La mort me cherche peut-être, une personne crée ces images brillantes à la dernière minute de la mort.” (20)
L’art d’Adalet Ağaoğlu relie hier à aujourd’hui et aujourd’hui à demain. Elle réussit à renouveler le roman en tenant compte de l’histoire, de la langue et du temps mais aussi à discuter sur les problèmes du roman moderne, à les approfondir et explique ses conséquences. Elle a été un des auteurs différents de la vie littéraire de la Turquie. Pouvoir pénétrer dans les problèmes sociaux, historiques et les critiquer n’est pas facile à réaliser sur le plan narratif.
Les transfomations sociales et humaines dans la période de transition entre l’Empire Ottoman et la République sont bien montrées et analysées à travers les conflits intérieurs de Aysel. Le roman étudié met en question l’identité personelle, la situation sociale dans le contexte culturel, le dualisme entre le passé et l’avenir, la tradition et le progrès. Sous l’influence des idées occidentales, on a tâché de montrer l’adaptation ou le cas contraire des individus.
Notes:
1 Fatma Acun: Osmanlı Devleti’nin kuruluşunun 700. Yılı Özel Sayısı Ed: Université de Hacettepe, Octobre, 1999, p.157–167.
2 Fatma Acun : op.cit., p. 157-167.
3 Haluk Sonat: Hayal, Hakikat, Yaratı , Istanbul, 2001, p. 114.
4 Adalet Ağaoğlu: Ölmeye Yatmak ; ls Bankasi Yayinlari, İstanbul, 2006, p. 191-192.
5 Adalet Ağaoğlu: op. cit., p. 370-371.
6 Adalet Ağaoğlu, ibid., p. 113-114.
7 Adalet Ağaoğlu: ibid., p. 111-112.
8 Adalet Ağaoğlu., ibid., p.282.
9 Haluk Sonat : op.cit.p.125
10 Haluk Sunat: ibid., p.126.
11 Haluk Sunat : ibid.p. 252 .
12 Voir Selen İnal: Sürüm vı .oı, 3.09.2002
13 Adalet Ağaoğlu: op.cit. p.71.
14 Adalet Ağaoğlu : ibid., p.197.
15 Adalet Ağaoğlu: ibid., p. 47.
16 Johan Berger, Jean Mohr : Yedinci Adam , Istanbul, 1976, p. 141.
17 Adalet Ağaoğlu : op.cit. p.51
18 Adalet Ağaoğlu : op.cit., p. 339.
19 Nükhet Esen, Erol Köroğlu: Hayata Bakan Edebiyat, Boğaziçi Üni.Yayınları, Istanbul, 2003, p.31.
20 Adalet Ağaoğlu: op.cit., p. 133.
Bibliographie :
3.1. Culture sans frontières / Kultur ohne Grenzen / Culture without Borders
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