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Disjonction spatiale et mutation ontologique du régime existentiel chez André Brink
Louis Bertin Amougou (FLSH, Université de Dschang, Cameroun) [BIO]
Courriel: okonmeso@yahoo.fr
RÉSUMÉ:
L’écrivain sud-africain André Brink (1982:24) écrit: «Je suis né sur un banc du Luxembourg, à Paris, au début du printemps 1960 […] et après ce matin de printemps frais et lumineux à Paris, j’ai encore connu d’autres naissances, certaines faciles, d’autres violentes, mais aucune ne fut plus décisive que celle-là». En effet, l’année précédente, le jeune étudiant Afrikaner issu d’un milieu extra-conservateur était arrivé à Paris pour suivre des cours de littérature comparée et, pendant les deux années qu’il passa à la Sorbonne, il avoue avoir beaucoup appris sur la littérature, mais bien plus encore sur le monde, la vie et sur lui-même. Pendant plus de vingt ans, il avait eu une existence tranquille, d’une innocence et d’une cécité coupables face aux réalités soci-politiques apocalyptiques du pays de l’Apartheid dont les ‘‘siens’’, à l’origine de l’institutionnalisation de la ségrégation raciale comme système politique, bénéficiaient d’énormes privilèges interdits à la majorité noire ravalée au rang de sous-hommes. Son premier séjour parisien, à la veille des massacres de Shaperville de 1960, provoquèrent en lui un violent choc culturel et spirituel qui déboucha sur une prise de conscience du monde, de l’autre (le Noir) et de soi assimilable à une nouvelle naissance. Dans son premier roman L’Ambassadeur (1996 pour la trad. française: 285), il fait dire à son principal protagoniste: «Le concept de nouvelle naissance est simplement l’équivalent chrétien d’une expérience fondamentale à tout être humain: un acte de renouveau, de mort de soi […] Quand on est né une seconde fois à cette nouvelle conscience du monde, il est tout aussi impossible de le défaire ou de le nier». Consécutive à la migration qui fait de soi un ‘‘autre’’, cette mutation ontologique irréversible du régime existentiel dont la manifestation est l’effondrement des valeurs anciennes et leur substitution par des valeurs nouvelles à la genèse de la refondation symbolique du pays arc-en-ciel fonctionne comme une métaphore obsédante (C. Mauron, 1963) dans son abondante œuvre romanesque. Il s’y déploie des syntagmes disjonctionnels révélant une esthétique itérative de départs initiatiques vers l’ailleurs auxquels répondent des retours euphoriques de personnages transfigurés que la présente communication entend explorer. Elle examinera par ailleurs une écriture de la migration dont la principale caractéristique semble être l’inflation de l’intertextualité.
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