Sous le Haut Patronnage du Président de la République, Dr. Heinz Fischer

KCTOS: Savoir, créativité et
transformation des sociétés

Vienne , 6 - 9 décembre 2007

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L' Ecriture des 'migrants' dans les littératures francophones subsahariennes

Papa Samba Diop (UniversitéParis XII) [BIO]

Courriel: diop@univ-paris12.fr

 


 

RÉSUMÉ:

En 1961, lorsque paraît L'Aventure ambiguë de Cheikh Hamidou Kane, l'émigration, de même que l'hybridité culturelle, sont présentées par le romancier comme néfastes à l'équilibre spirituel du protagoniste: Samba Diallo. Celui-ci appartient à une vieille famille aristocratique musulmane, et doit, après des études secondaires effectuées au Sénégal, aller à Paris, à la Sorbonne, pour y suivre des enseignements de philosophie. Et, plus il avancera dans sa formation, mais aussi dans la connaissance de la culture et de la civilisation françaises, plus il prendra de distance par rapport à l'Islam et à certains de ses principes, dont notamment les cinq prières quotidiennes. Ce doute lui sera fatal, car, de retour au pays des Diallobé (dans le nord du Sénégal), il cherchera à convaincre sa communauté d'origine de ce que, en matière de religion comme de culture, le relativisme est salutaire à la survie. Un membre de son village, devenu fou après un séjour en Europe, n'admet point cette nouvelle philosophie et assassine le jeune étudiant.

Ainsi voit-on que pour la génération à laquelle appartient Cheikh Hamidou Kane, celle des écrivains des années 1945-1960, l'émigration est associée sinon à la perte d'identité du moins au brouillage des repères religieux et culturels. Et pourtant, elle est le moteur le plus sûr de l'écriture, car celle-ci se nourrit des angoisses et des servitudes liées au choc culturel. Et parallèlement au malaise suscité par la plongée dans une culture étrangère, nombre de romanciers ont developpé un corrolaire: l'insécurité linguistique liée au maniement d'une langue perçue comme une langue "coloniale"; D'où les nombreuses tentatives d'africanisation du français.

Toutefois, lorsque l'on parcourt le roman francophone subsahien des années 2000, l'on est frappé par le fait qu'il reprend le thème de l'émigration mais en le délestant de toute la charge négative dictée par l'orientation idéologique des temps précédant les indépendances africaines. De nos jours, des écrivains comme Wabéri, Mabanckou, Calixthe Beyala ou Sami Tchak ne produisent plus une littérature préoccupée d"éthique". Par ailleurs, le sentiment qui se dégage de la lecture de leurs oeuvres est celui d'une très grande liberté prise par rapport aussi bien à la langue (le français) qu'aux cultures (africaine et française). Leur situation de "migrants" semble être vécue comme un privilège, qui leur permet de tenir sur leurs pays d'origine des propos qu'il aurait été périlleux de tenir in situ. D'où, dans les romans modernes, la jubilation des créateurs à bâtir une littérature "sans frontières" dans la mesure où elle exhibe son hypotexte (autre qu'africain) et proclame son émancipation des carcans traditionnels: grâce au nouvel espace de création, celui offert par l'Europe et ses structures éditoriales, ses réseaux de diffusion et ses instances de consécration.

 


 

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