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Le «hors-lieu» de la fiction migrante à l'exemple de Par une nuit où la lune ne s’est pas levée (2007) de Dai Sijie
Doris G. Eibl (Institut für Romanistik, Universität Innsbruck) [BIO]
Courriel: doris.g.eibl@uibk.ac.at
RÉSUMÉ:
Dans son troisième roman Par une nuit où la lune ne s’est pas levée (2007), Dai Sijie, cinéaste et romancier d’origine chinoise exilé en France, raconte l’histoire de la quête d’un manuscrit rédigé dans une langue mystérieuse dont un des protagonistes porte le nom: le tûmchouq. Le tûmchouq est une langue inventée, bien entendu, et, selon les dires de Dai Sijie, reflète «le rêve d’une langue parfaite, idéale, antérieure à toute division, la langue d’avant la tour de Babel, celle du paradis». Alors que ses deux premiers romans, Balzac et la Petite Tailleuse chinoise (2000) et Le complexe de Di (2003), mettent en scène les différents aspects de l’ «entre-deux» culturel et linguistique, Par une nuit où la lune ne s’est pas levée cherche à le transcender en inventant une langue qui efface les différences. Ainsi, ce roman déploie le suprême des phantasmes et illustre, par ce phantasme même, l’étendue de la tension qui régit l’ «entre-deux» de l’expérience migratoire.
Cette contribution se propose de cerner le désir d’appartenance absolue dont témoigne l’invention du tûmchouq. Cependant, ce désir d’appartenance absolue peut également être qualifié de désir de non-appartenance absolue dans la mesure où l’espace linguistique fictionnel du tûmchouq est doté d’une dimension intellectuelle et spirituelle supérieure qui dépasse les failles culturelles et politiques ainsi que les limites nationales. Le tûmchouq devient alors une espèce de «hors-lieu» guérisseur qui permet de concevoir une identité qui n'en est pas une ou justement celle qui assume toutes les différences.
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