Sous le Haut Patronnage du Président de la République, Dr. Heinz Fischer

KCTOS: Savoir, créativité et
transformation des sociétés

Vienne , 6 - 9 décembre 2007

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Figures de temporalité subversive et (re)présentation de l’Histoire: L’exemple de M. Mammeri et de J.M Adiaffi

Voussad Saim (Ecole normale supérieure des lettres et sciences humaines, Bouzaréah, Alger) [BIO]

Courriel: saimvoussad@yahoo.fr

 


 

RÉSUMÉ:

«Nous ne sommes rien; c’est ce que nous cherchons qui est tout», écrivait Holderlin.(1) Ce propos du poète renferme et condense en soi toute la problématique de la littérature. Parce qu’elle est animée par la soif de tout dire, celle-ci est toujours tentée, à ses risques et périls, – Mais là où est le péril, croît aussi ce qui sauve, souligne encore l’auteurv – par «les expériences inédites du temps». Elle ne peut s’accommoder des vérités toutes faites. En quête constamment de nouvelles formes d’écriture et de nouvelles appartenances, la littérature est continuellement amenée à défaire le propre pour en substituer un autre. Mais ce dernier se voit aussi tenu en sursis, juste le temps d’une halte, d’une méditation ou d’une jouissance (Lacan) avant que ne soit levé l’ancre pour d’autres aventures du langage. Ceci explique la prégnance de la pensée de l’errance - dans le texte moderne plus particulièrement - que Glissant associe à juste titre à «l’appétit du monde» (2) lequel ne va pas sans «un temps-monde»(3) au sein duquel se trouverait réhabilité et, dans la foulée, réinventé le rapport à l’autre. C’est dans cette optique qu’il y a lieu de réinscrire l’expérience des limites en ce sens où elle affranchit des schémas idéologiques et de la pensée qui consiste à assigner un nom exclusif à l’être. De là procède la volonté du poète de transcender l’espace et le temps quotidiens pour accéder à un espace/temps où, imprégnés du natal, les signes retrouvent une tonalité et un timbre singuliers. Tout tendu vers l’appel irrésistible des sirènes, le sujet de l’écriture doit alors consentir à se perdre -ne se perd pas qui veut faut-il le rappeler- et à risquer l’exil salvateur. Qui mieux que le poète peut rendre compte de cette expérience extra-ordinaire:

Défaire la dénomination abusive pour échapper à la dictature du «on» exige une «disparition au présent» (Heidegger), seule alternative pour réinventer une temporalité plus féconde, à travers une présence autrement plus riche, qui, empreinte des humeurs et de la rumeur profonde de la terre, se ressource dans le fond vital de l’être pour atteindre ce «second degré de la parole» dont parle Y. Bonnefoy.

Je me proposerai d’interroger deux toponymes: «Taassast» dans l’œuvre de M. Mammeri, et «la maison introuvable» dans La carte d’identité de l’Ivoirien J.M Adiaffi. Ces deux espaces sont tributaires d’un temps qui se pose comme «une sur-durée»(4) abolissant du coup le présent de la nuit coloniale pour se constituer en toile de fond à l’action des personnages. Aussi, quoique tenus pour absents dans le texte, ils n’en demeurent pas moins présents, étant donné qu’ils sont convoqués à répétition et par intermittence comme pour rythmer le temps des œuvres en question. Nous essayerons de voir comment s’illustre en somme par leur truchement, le devenir-temps de l’espace. Ils sont, comme dirait Derrida, le «signe [qui] représente le présent en son absence. Il en tient lieu [parce que] [q]uand nous ne pouvons prendre ou montrer la chose[…] quand le présent ne se présente pas, nous signifions, nous passons par le détour du signe[…] nous faisons signe».(5) Tel est le projet je prends le soin de démarquer le mot pour mettre l’accent sur le jaillissement originel de l’œuvre - de Mammeri et d’Adiaffi. Au milieu du pathos qui ronge le monde, ces derniers vont tenter de se forger un nouveau rapport avec la réalité pour pouvoir, à leur façon, se nommer au monde. En faisant participer leur écriture d’une dynamique ontologique, ils redonnent sa place à l’inouï et à l’impossible. Et comme le souligne le philosophe, «c’est par l’impossible que l’humanité se perpétue».(6) C’est pourquoi, leurs œuvres me paraissent, dans la perspective de la problématique que vous soulevez pour votre colloque, digne de questionnement.


1 Holderlin, Œuvres complètes, Pléiade, Galli, 1967, P132
2 E. Glissant, Introduction à une poétique du divers,Galli, 1996, P 130.
3 Ibidem P132.
4 G. Poulet, Etude sur le temps humain/1, Plon, 1952, P47.
5 J. Derrida, Marges de la philosophie, Minuit, 1979, P9.
6 F. Nietzsche, Le livre du philosophe, Aubier- Flamm, 1969, P88.

 


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