Internationale Kulturwissenschaften
International Cultural Studies
Etudes culturelles internationales

Sektion VI: Kunst und "Globalisierung"

Section VI:
The Arts and "Globalisation"

Section VI:
Art et "globalisation"


Knut Ove Arntzen (Bergen/Norwegen) [BIO]

Anglais 
Narration du monde et "recyclage" dans le Nouveau Théâtre

Au début des années 90, dans différents endroits d’Europe sont apparues de nouvelles tendences dans le domaine de la dramaturgie sous forme de théâtre de projet, basé sur le visuel. Le théâtre de projet a de plus adopté l’idée des théâtres de groupe en tant que petits groupes de travail mais avec une structure d’organisation plus ouverte que ne l’ont les groupes libres. La plupart du temps le point de départ est une personne ou un noyau de groupe qui n’est affilié à aucune scène ni à un ensemble quelconque. On enrôle des gens pour travailler au projet selon les besoins. En Norvège, on peut citer l’exemple du Verdensteatret (Le théâtre du Monde) d’Oslo avec une de ses premières productions "Jeudi 14 octobre". Il s’agit d’une production de 1991 qui fut jouée lors de plusieurs festivals européens. Elle était basée sur les écrits théoriques de Strindberg et la préface de "Miss Julie" était lue à haute voix , sous forme de monologue, par un acteur alors que d’autres dansaient et racontaient des plaisanteries ce faisant. Dans leur production précédente "Mercredi 13 octobre. Composition" les éléments visuels étaient prédominants par rapport au texte. Néanmoins, les deux productions constituaient l’illustration d’une dramaturgie en quête d’une nouvelle orientation dans le théâtre visuel. Entretemps, l’accent portait de plus en plus sur la présentation d’un texte mais pas dans le sens de la représentation du texte , bien plutôt en tant qu’alternative à une visualité par trop dominante.

La régie représente le développement de l’usage du texte de la manière suivante: comme basé sur le besoin de comprendre le texte en tant qu’intermédiaire de références d’une manière non-illusioniste. On pourrait parler du texte comme d’une sorte d’implication visuelle en rapport avec des tableaux et des éléments de peinture. Cela revient à dire que les acteurs récitent, jouent et dansent conformément aux éléments textuels basés sur des improvisations et des ressources personnelles. Ils prononcent des monologues et passent de mouvements plus lents à des mouvements plus rapides, marqués par un rythme fixe et bien précis. Le genre des mouvements est emprunté aux danses et au théâtre des années 80, p.ex. Rosas, Fabre ou Needcompany. L’observation capitale que l’on puisse émettre à propos de la dramaturgie c’est qu’on cherche de nouvelles façons de composer et paraphraser les textes et les improvisations personnelles. A présent, à la fin des années 90, les acteurs s’éloignent d’un style strictement auto-référentiel de représentation conceptuelle. Cela va dans le sens d’une communication de plus en plus directe qui lâche l’expression apparemment distante des années 80. Cela signifie aussi la liberté par rapport aux effets techniques et permet de passer d’un mode d’expression à l’autre la plupart du temps en fonction d’un processus de mise en scène non hiérarchique.

La représentation de même que le jeu, basés sur le temps réel, et le réalisme stylisé sont utilisés pour composer et paraphraser des fragments de texte. Ceci est combiné avec l’improvisation personnelle, englobant la danse, le show et le jeu. Le théâtre redevient quelque chose dont on se réjouit directement au lieu dêtre un simple reflet d’un art conceptuel. A mon avis, cela a fait son chemin dans les écrits de Marianne Van Kerkhoven, dramaturge au Kaaitheater de Bruxelles. Dans le programme pour la saison 1990/91 elle essayait de caractériser ces productions en utilisant les termes de "narration du monde". Cela indique que la dramaturgie , selon moi, est en train de se développer en une nouvelle forme de théâtre épique mais encore avec des fragmentations et des moyens d’expression mis au même niveau dans le sens d’une dramaturgie visuelle.

Ce qui est différent c’est que différentes sortes d'expression seront mêlées comme celle du style de Grotowski des années 60 aussi bien que la comédie populaire. Cela peut être compris comme un recyclage de diverses décades, mêlé de théâtre traditionel ou classique. Recyclage pourrait être le mot-clé du développement des années 90.

D'un point de vue concret, cela montre que des éléments des décades passées ont fondu pour donner de nouvelles synthèses, entre autres "la narration du monde". Je ne pense pas que Van Kerkhoven ait conçu un moyen idéologique ou pédagogique pour raconter ou expliquer le monde. La contestation du modèle de Brecht est allée trop loin pour ce qui est des aspects didactiques développés. A mon avis, il n'est plus possible d'utiliser le théâtre dans le sens de vouloir éclairer le monde ou même d'être idéologique ou de vouloir "expliquer" sous une forme ou une autre. Raconter le monde aujourd’hui serait probablement dans un sens post-idéologique avec le but de paraphraser le monde d’une manière nouvelle. Cela devra être basé sur la quête de nouvelles formes dramaturgiques et techniques comprenant de nouvelles façons de découvrir et de comprendre et ce sans aucune légitimation idéologique. Par ailleurs, il faut aussi être conscient des médias en particulier de la vidéo et de la télévision, car elles ont un énorme impact sur la manière de percevoir du public. La tâche de ceux qui font du théâtre sera de réussir à utiliser une atmosphère "magique", ce quin’est possible que dans une situation en direct où s’établit le contact entre l’action, la représentation et le public. C’est le seul moyen d’assurer la communication immédiate avec le public au lieu d’envelopper le monde dans une forme d’illusionisme que Richard Foreman voulait dévoiler dans sa production "Radio is Good. Film is Evil" à l’Université de New York, en 1987. Je pense que Ritsaert ten Cate avait le même objectif dans ses projets d’une série intitulée "Theatre Beyond Television" au Théâtre Mickery d’Amsterdam au milieu des années 80.

Pour parler d’une "forme consciente de recyclage" il faut essentiellement briser l’illusion au moyen de paraphrases de textes et d’images sans la moindre légitimation ni le moindre flirt avec la pédagogie.

Si "l’héritage" pédagogique prévaut encore dans une production ou si une mentalité commerciale en a emporté le meilleur, alors le théâtre est aussi mort que celui dont parle Peter Brooke dans son ouvrage "L’espace vide" de 1968. Ceci est en rapport avec l’usage que l’on fait des clichés et des traditions sans les remettre en question. On doit s’en souvenir surtout si l’on travaille sur des textes classiques. De nos jours, si l’on traite les traditions ou bien si l’on utilise des styles à la mode sans les remettre en question c’est comme si l’on voulait conserver quelque chose qui est déjà mort. A mon avis, un recyclage conscient revient à percevoir toutes sortes de demandes en adaptant les courants dominants et en les "recyclant". Très librement, on met en scène ou le texte tout entier ou bien on le laisse de côté et on le paraphrase conformément aur références aussi bien visuelles que textuelles. La conceptualité en tant que but en soi est à l’arrière-plan. On peut utiliser de nombreux moyens d’expression pour établir un contact direct avec le spectateur en lui racontant quelque chose "provenand du monde". Quelqu’un est en train de communiquer sans prétendre enseigner ni répandre une légitimation morale quelconque.

A mon avis, la piste aveugle des années 60 et 70 est due au fait que des groupes tel que le Laboratoire Théâtral de Grotowski ou l"Odin teatret ne se rendaient pas compte qu’au lieu de raconter le monde ils parlaient d’eux-mêmes, de même que Brecht ne se rendait pas compte qu’au lieu de parler du monde il a finalement essayé de dire comment le monde devait être compris d’un point de vue marxiste.

Dans ce qui suit, je vais essayer de donner quelques exemples de "recyclage" conscient dans le nouveau théâtre du début des années 90, à commencer par "Jules César" (Shakespeare) de la Needcompany. Il s’agit d’une production du Kaaitheater de 1990 en coproduction avec le Theater am Turm de Francfort. Jan Lauwers, son directeur, est lui-même un artiste du visuel. Pour sa production, il a prévu un sol de marbre avec une petite plateforme où devait se tenir pendant presque toute la représentation l’acteur interprétant Jules César. L’attitude était silencieuse.

Sa tristesse était certainement en rapport avec le fait que Brutus allait le tuer ou venait de le faire. Puis, il disparaît de la scène pour y revenir plus tard et distribuer des chevaux de bois en guise de jouets. Lauwers a fait un usage très ironique du texte en faisant faire des commentaires sur l’action par un des acteurs, microphone en main. Après une première partie accordant une grande place au texte, des effets que l’on pourrait qualifier de "signalisation" entrent en jeu, comme p.ex. un spot lumineux projeté tout à coup sur le sol. Ou encore le gonflement d’un ballon en utilisant un générateur d’oxygène. L’une des manières d’expliquer cette dramaturgie est de la désigner comme une dramaturgie de composition. L’utilisation du texte est soulignée par des caprices "évidents". L’action sur la scène ne recouvre pas forcément les moments textuels ou ne les accompagne même pas. C’est l’expression d’une grande distance ironique p.ex. lorsque César, après sa mort, distribue les chevaux de bois et que les braves soldats, qui se sont tous trahis l’un l’autre, montent dessus pour repartir en guerre. En tant que composition, cette production nous donne un message sur le monde. Dans sa critique parue dans la Frankfurter Allgemeine Zeitung du 1.12.1990, Sylvia Staude a soutenu que Lauwers n’avait pas "réduit" le texte parce qu’un public allemand de comprenait pas bien le flamand mais bien parce qu’il voulait créer une piècesimple voire naïve sur le motif de l’amitié. Il n’y avait ni Octavius, ni Lepidus, ni Cicéron, ni les sénateurs et même pas la foule. L’ensemble constituait un recyclage de différents moyens d’expression en référence à un texte qui était aussi présent "en tant que tel".

Une simplicité similaire peut être constatée dans le travail du groupe de théâtre néerlandais Maatschapij Discordia. Il a p.ex. choisi de jouer des textes entiers plutôt que des fragments, comme dans la production "De Bronnen", Amsterdam 1990. Ce titre englobait rois pièces représentées à la suite: "Ubu Roi" d’Alfred Jarry, "Les servantes" de Jean Genêt et "La danse de la mort" d"Auguste Strindberg. "De Bronnen" signifie "les sources" et le directeur de la production était Jan Joris Lamers qui y tenait un rôle lui-même. Lorsqu’elle fut représentée au festival de Bruxelles, en 1990, le bulletin de presse du festival l’a présentée comme suit: Discordia travaille presqu’à l’américaine, d’une part avec un respect rigoureux de la tradition et d’autre part en rejetant cette même tradition. Ils se sont libérés de la relation traditionelle entre acteur et rôle. On évite de jouer par illusion en créant le rôle et, à sa place, une certaine "réalité matérielle" est introduite (c’est ma lecture du texte flamand du bulletin de presse). On peut interpréter cela comme une présentation jouée du texte, basée sur de petites improvisations en fonction du rythme de la pièce. Dans "La danse de la mort" ils ont comencé par la chanson de Lou Reed "Nobody but You" pendant que les acteurs étaient assis en tableaux sur un sofa et une chaise. Cette chanson était dédiée à Andy Warhol, et Lamers a pu penser qu’elle traduisait le sentiment de la vie tel qu’il est analysé par Jarry, Gent et Strindberg, qui sont, eux-mêmes, les sources principales du théâtre moderne.

Maintenant je vais continuer avec la production "sans titre" du groupe Norvégien Baktruppen, représentée pour la première fois sur le continent européen au Théâtre Felix Meritis d’Amsterdam en mars 1991 et ayant accompli une tournée dans diverses villes européennes. Cette production se basait sur la paraphrase de textes dramatiques de Gilbert et Sullivan, Samuel Beckett et d’autres. Les acteurs ajoutaient d’eux-mêmes du matériel personnel. Sur le plan dramaturgique, la production reposait sur des structures métaphoriques empruntées à l’anatomie et l’astronomie. Des éléments auditifs très forts furent employés, des tracks sonores électroniques aussi bien que des improvisations musicales. La structure ressemblait beaucoup à celle du cabaret avec un nombre de séquences donnant l’impression de quelque chose d’"occasionel", soulignant la "touche" d’improvisation. Le public était en partie assis autour de la scène, en partie sur des chaises placées dans la salle en demi-cercle. On pourrait dire qu’il assumait une fonction ressemblant à celle du voyeur aussi bien qu’à celle de se trouver à une party. Pendant toute la représentation, un bar servait de la bière et du vin. On peut aussi y voir un caractère rituel comme du temps des productions de Grotowski et Eugenio Barba, p.ex. "Akropolis" à Wroclaw en 1962 ou "Kaspariana" à Holstebro en 1967.

En 1991, le Wooster Group de New York était en tournée à Amsterdam avec la production "Brace Up", dirigée par Elisabeth Lecompte. Cette production, basée sur "Les trois soeurs" de Tchechov, peut être comparée, en partie, à celle de "Jules César" de la Needcompany pour ce qui de l’utilisation du texte. Dans un certain sens, une nouvelle pièce est sortie d’une pièce préalable. Les acteurs se trouvaient dans des positions exprimant autre chose que le fait de jouer leur rôle. Ils avaient l’air de travailler sur divers principes de représentation en y mêlant des éléments traditionnels de jeu scénique d’une manière ironique. D’après moi, la métaphore principale dans "Brace Up", consistait dans le show ou le music-hall. Un conférencier y disait quel rôle était joué par qui et le représentation était tantôt en direct sur la scène, tantôt sous forme d’écrans -vidéos avec des dialogues ou des monologues. Des films japonais furent utilisés comme commentaires électroniques de l’action. Rien n’était fortuit et les sous-entendus étaient très clairs, parfois trop clairs. On demandait au public de comprendre les sous-entendus conformément à une mentalité anglo-saxonne.

C’est la raison pour laquelle, à mon avis, il n’était pas étonnant qu’à Amsterdam, lors du même Festival Touch Time, Baktruppen avec sa manière "pas claire" et nouvelle d’utileser les métaphores ait eu un effet de gageure ou de provocation pour e public. J’ai entendu quelqu’un dire; nous connaissons et comprenons Wooster Group mais Baktruppen est plutôt une surprise. Ainsi, les nouvelles formes de narration du monde et de "recyclage" de manière inattendue éveillent une vive curiosité et constituent une gageure pour le nouveau théâtre d’aujourd’hui puisqu’il a développé des formes dramaturgiques et esthétiques plus radicales vers la fin de cette décade et par là même du siècle.



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