Internationale Kulturwissenschaften
International Cultural Studies
Etudes culturelles internationales

Sektion VII: "Interkultureller" Austausch, transkulturelle Prozesse und Kulturwissenschaften

Section VII:
"Intercultural" Exchange, Transcultural Processes and Cultural Studies

Section VII:
Echange interculturel, processus transculturel et études culturelles


André Lorant (Paris)
Casanova interculturel

 

Quel est le Casanova qui incite des créateurs, appartenant à différentes aires de l’espace culturel européen, à le ressusciter à une nouvelle vie de fiction? Est-ce l’aventurier cosmopolite, chevalier d’industrie, professionnel des cartes biseautées, amateur alchimiste, kabbaliste bluffeur, écrivain, musicien, philosophe, amuseur de cours royales et princières, l’évadé des Plombs, et, avant tout, champion incontesté d’exploits sexuels les plus variés, dignes d’être catalogués par Leporello? Ou bien l’auteur des Mémoires rédigés pendant les dernières années de sa vie, dans le plus grand dénuement, rongé par la misère et les séquelles de la syphilis? Il me semble que c’est ce dernier qui séduit par sa lucidité, son amoralisme, ses prouesses sexuelles, et aussi par son don d’analyse, égalant celui d’un Saint-Simon ou d’un Laclos, qui fascine les grands esprits: à son propos, voudraient explorer les mystères de l’amour.

Dans Drei Dichter ihres Lebens, Stefan Zweig, auteur délicat de La Confusion des sentiments, biographe de Marie-Antoinette et de Balzac, n’hésite pas à le faire figurer en compagnie de Stendhal et de Tolstoï. Il découvre en lui un Homo eroticus au centre d’une bacchanale universelle.

"Metall sein Körper, strotzend von Überschuß und Kraft: viermalige Syphilis, zwei Vergiftungen, ein Dutzend Degenstiche, die grau-gräßlichen Jahre unter den Bleidächern und in stinkenden spanischen Kerkern ; die plötzlichen Reisen von sizilianischer Hitze in moskowitischen Frost erschüttern keinen Zoll seiner phallischen Bereitschaft und Kraft. Wo immer und wann immer, es genügt der Funke eines Blicks, der physische Fernkontakt weiblicher Nähe, und schon flammt und funktioniert diese unbesiegbare Sexualitas". (p. 75)

Mais n’y aurait-il pas chez Zweig, qui appartenait à une génération obligée de refouler l’"Eros matutinus" (je cite le titre de ce chapitre révélateur de Die Welt von Gestern) une secrète jalousie à l’égard de cet Hercule Farnese de la libido satisfaite?

On connaît l’admiration de Stefan Zweig pour Hugo von Hofmannsthal dont le drame poétique Der Abenteurer und die Sängerin oder die Geschenke des Lebens, de 1898, précède de trente ans le recueil d’essais consacré à trois figures "poètes de leurs vies". Les données de l’intrigue sont romanesques à souhait, et certainement caractéristiques des œuvres de fiction inspirées par le personnage de l’aventurier illustre. Sous la fausse identité du baron Weidenstamm, originaire, prétend-il, des Pays-Bas, Casanova, cédant à son mal du pays, est de retour à Venise, quinze ans après sa fuite des Plombs. Au théâtre, il est immédiatement reconnu par la célèbre cantatrice Vittoria qui pâlit sous son maquillage et n’arrive à achever son air que grâce à la technique vocale qu’elle possède à perfection. Vittoria, ancienne maîtresse de Casanova, à un âge où elle était à peine nubile, est la femme de Lorenzo, noble Vénitien. Elle vit en compagnie de Cesario, son frère, déclare-t-elle. En fait, le garçon est le fils de Casanova qu’elle a élevé secrètement, dans une grande misère. L’aventurier est ému de se trouver en présence de son enfant et lui fait cadeau d’une bague précieuse. Sur le point d’être découvert, il doit quitter précipitamment la ville sérénissime. Il passe ses dernières heures avant son départ en compagnie de la ballerine Marfisa. Apparemment, si on est à l’écoute des splendides propos poétiques de Vittoria, cette pièce est une louange à l’amour fécondant de Casanova. Vittoria doit son art à son premier amant:

"In meiner Stimme schwebt die höchste Wonne
auf goldnen Gipfeln, und der goldne Abgrund
der tiefsten Schmerzen schwebt in meiner Stimme.
Dies ist mein Alles, ich bin ausgehölt
wie der gewölbte Leib von einer Laute,
das Nichts, das eine Welt von Träumen herbergt:
und alles ist von dir, dein Ding, dein Abglanz.
Denn wie ein Element sein Tier erschafft,
so wie das Meer die Muschel, wie die Luft
den Schmetterling, schuf deine Liebe dies". (p. 544)

En réalité, la pièce démasque un Casanova versatile, inévitablement attiré par le pôle magnétique de la sexualité. Le drame de Hofmannstahl est à la gloire de l’éternelle jeune Vittoria qui se découvre un être autonome, et qui incarne cette musique dont les premiers accords furent composés par Casanova. Et Vittoria, à la fin de ce poème dialogué, se met à chanter le grand air d’Ariane qu’elle n’a pas osé aborder depuis de longues années.

En exergue du chapitre VI, "Homo eroticus", Zweig, dans son essai consacré à "messer sempre pronto", cite quelques propos attribués par Arthur Schnitzler à Casanova s’arrêtant à Spa:

"Verführt’ich jemals - ? Nein, ich war zur Stelle,
Wenn just mit holder Zauberei Natur
Ihr Werk begonnen. Auch verriet ich keine,
Denn ewig dankbar jeder blieb mein Herz". (p. 74)

Le personnage de l’aventurier séduit Schnitzler qui le fait réapparaître dans Casanovas Heimfahrt. L’illustre aventurier a cinquante-trois ans. Ruiné à l’approche de la vieillesse, il n’aspire qu’à retourner à Venise. Il adresse placet sur placet au Conseil des Dix et lui promet l’entière soumission et l’obéissance la plus respectueuse d’un repenti. A Mantoue, il loge dans une auberge dont la propriétaire a des bontés pour lui. A l’occasion d’une promenade dans les environs de la ville, il rencontre Olivio, mari d’Amalia qui s’est donnée à lui à la veille de son mariage. A-t-elle suivi l’exemple de sa mère? Le lecteur ne peut guère en douter. Olivio est demeuré reconnaissant à Casanova d’avoir favorisé son mariage et doté leur couple d’une bourse bien garnie de pièces d’or. Propriétaire d’un beau domaine, il supplie Casanova, qui attend une réponse des sévères patriciens de Venise, de passer au moins quelques jours chez lui. Amalia serait prête à se retrouver dans les bras de son amant d’il y a seize ans. A l’époque, celui-ci lui avait fait connaître les béatitudes de l’amour qu’elle ignorait depuis. Mais, Casanova s’intéresse à la mystérieuse Marcolina, une nièce d’Olivio, qui se consacre à l’étude de mathématiques pures, et qui demeure insensible à ses propos provocateurs. Cette jeune intellectuelle, séduisante, libre dans ses raisonnements, apparemment insensible à l’amour, rend fou l’hôte de la maison qui ne songe qu’à la conquérir.

Une curieuse société s’assemble dans la maison d’Olivio autour de la table de jeu. Le marquis Celsi, mari complaisant de sa femme, dont l’amant du moment est le lieutenant Lorenzi, un banquier et son frère, et l’inévitable abbé, personnage obligatoire dans toute histoire où figure Casanova. Casanova qui, à la manière du narrateur, connaît bien la configuration des lieux, aussi bien l’emplacement de la chambre de Marcoline avec sa fenêtre ouverte que celui de la porte du jardin donnant sur la route de Mantoue, se rend compte que Lorenzi, après la partie de cartes, ne retourne plus chez la marquise, sa maîtresse attitrée, mais rentre dans le domaine pour retrouver Marcolina. La vierge inaccessible s’est donnée à Lorenzi ! Casanova enrage et se promet de prendre sa revanche. Lorenzi vient de perdre au jeu deux mille ducats, une dette d’honneur qu’il est incapable de rembourser au marquis qui se venge de lui en le traitant de voleur. Casanova conclut un pacte abject avec Lorenzi dont il devine la faiblesse de caractère. Avec la complicité du lieutenant à qui il paie deux mille ducats, il pénètre dans la chambre de Marcolina pour passer avec elle une nuit d’amour. Sous la cape de Lorenzi, Casanova est nu ; une diligence l’attend avec ses affaires à la porte du jardin et qui doit l’emmener, avant l’aube, à Venise.

En compagnie de Marcolina, Casanova retrouve toute son énergie amoureuse d’antan ; il devient l’égal de Lorenzi, dieu de la jeunesse à ses yeux. Cependant, en empruntant le chemin le plus court vers l’intimité de Marcolina, Casanova s’oublie, et dans un rêve aux associations riches et significatives de ses pulsions sexuelles, de son désir de retour, de sa peur de perdre la jeune fille, il se retrouve en sa compagnie dans une gondole glissant sur l’eau des canaux étroits de Venise.

"Wurde, was sich als Betrug entsponnen, nicht Wahrheit in den namenlosen Entzückungen dieser Nacht? Ja, durchschauerte sie, die Betrogene, die Geliebte, die Einzige, nicht selbst schon eine Ahnung, daß es nicht Lorenzi, der Jüngling, der Wicht, daß es ein Mann, - daß es Casanova war, in dessen Göttergluten sie verging? Und schon begann er es für möglich zu halten, daß ihm der ersehnte und doch gefürchtete Augenblick des Geständnisses gänzlich erspart bleiben würde ; er träumte davon, daß Marcolina selbst, bebend, gebannt, erlöst ihm seinen Namen entgegenflüstern würde. […] Denn diese war sein, wie keine vor ihr. Er glitt mit ihr durch geheimnisvolle schmale Kanäle, zwischen Palästen hin, in deren Schatten er nun wieder heimisch war, unter geschwungenen Brücken, über die verdämmernde Gestalten huschten ; manche winkten über die Brüstung ihnen entgegen und waren wieder verschwunden, eh’ man sie recht erblickt". (p.229)

Les premiers rayons du soleil font découvrir à Marcolina, d’abord horrifiée, puis profondément triste, un vieillard aux traits tirés. Casanova voudrait s’enfuir, mais se trouve en présence de Lorenzi qui se dévêt pour l’affronter dans un duel. Casanova, fasciné par la beauté du jeune homme - toute jalousie, estiment certains psychanalystes, comporte un facteur homosexuel -, et le tue. C’est un ancien exilé épuisé, humilié par le prix à payer pour son retour - le Conseil des Dix lui confie la tâche d’espionner les libres penseurs subversifs de la Cité - qui s’affole sur son lit dans une auberge misérable, éloignée de la place Saint-Marc.

Casanovas Heimfahrt est un récit qui met en œuvre plusieurs mythes et leur donne un éclairage psychanalytique. En voici quelques uns: le pouvoir régénérant, proche peut-être de la possession vampirique d’une jeune personne ; le double ; l’appropriation de l’identité de l’autre à des fins scélérates (n’y a-t-il pas une allusion subtile au Don Giovanni de Mozart?) ; le retour au pays natal, la régression vers les origines. Une densité peu commune caractérise le récit de Schnitzler qui amalgame l’épisode de Mantoue inventé aux données réelles empruntées aux Mémoires.

Dans La Conversation de Bolzano du hongrois Sándor Márai, romancier à succès dans les années quarante, nous retrouvons Casanova à peine sorti des casamates de Venise recouvertes de plomb, dans une auberge à Bolzano, en compagnie d’un grand seigneur autoritaire et vieillissant que l’âge a rendu incapable d’éprouver des sentiments. Le contrat qu’il propose à l’aventurier est à la fois absurde et profondément humain: il l’enjoint, car il est menaçant à son égard, d’enlever sa femme Francesca de son palais, et, contre le paiement d’une grosse somme, de passer avec elle une nuit d’amour, afin de la guérir de la nostalgie amoureuse qu’elle ressent depuis le premier passage du séducteur dans sa maison. Francesca, satisfaite, doit retourner dans son foyer et se consacrer à son mari jusqu’à la fin prévisible de ses jours.

Casanova, déguisé en femme et portant un masque, s’apprête à se rendre au bal donné par le grand seigneur. On frappe à sa porte, entre Francesca vêtue en homme, le visage caché par un masque. Jamais femme aimante n’a donné plus belle leçon à l’homme, avide d’aventures et fuyant l’ennui, et qui ne veut pas s’engager dans des liens durables.

Elle lui révèle de n’avoir jamais cessé de penser à lui depuis leur première rencontre quand elle n’avait que quinze ans. A l’époque, Casanova flirtait avec elle, puis, provoqué en duel par un fiancé qui lui avait infligé une blessure grave, l’abandonna à son sort. Une fois mariée, à la recherche de la tendresse qu’elle attendait du seul homme aimé, elle s’est donnée à "des gentilshommes, jardiniers, palefreniers, comédiens, joueurs de cartes et musiciens". Aujourd'hui, elle est prête à devenir la complice de Giacomo qui joue aux cartes pour dépouiller ses victimes, parce qu’elle l’aime d’un amour différent de celui que se représentent les signataires du contrat. Elle est disposée à la servir en esclave marquée du signe infamant par le feu rouge du bourreau ; masochiste par dévouement, elle tolérera toutes ses infidélités, elle le soignera, frictionnera ses membres de mercure pour le guérir de la syphilis. Subjugué, Casanova la repousse par des "c’est trop" ou "c’est assez". Alors la femme aimante, qui aurait voulu devenir une "femme salvatrice" se venge, en faisant comprendre à son interlocuteur qu’il est condamné dans ce monde d’ici-bas à penser à elle pour toujours.

"Toi, va de par le monde, vis, mens, dérobe l’or et les corps, déchire toutes les jupes que tu rencontreras sur ta route, vautre-toi dans tous les lits près desquels te conduiront tes pas, cultive ton genre, fidèlement. Mais, jour et nuit, tu sauras, dans l’extase du baiser, dans les bras des femmes, tu sauras toujours que c’était moi la vraie, la plénitude, la vie, et que tu m’as offensée et vendue. Tu sauras que tu aurais pu avoir tout ce qu’un homme peut avoir, et que tu t’es contenté d’un contrat, que tu as été intelligent et lâche, et que la vie ne te donnera plus jamais rien. Tu sauras que mon corps, qui est une partie de ton corps, ne pourra jamais être à toi, et pourra être à tous ceux qui le voudront. Tu sauras que je vis quelque part, que d’autres hommes m’embrassent, et que tu ne pourras plus jamais m’embrasser, Moi aussi à ma façon, je suis une nature fidèle, Giacomo. Je voulais vivre avec toi aussi purement que les hommes pouvaient vivre ensemble dans le Jardin, quand il n’y avait pas encore de péché sur la terre. Je voulais te sauver de ton destin". (pp. 252-253).

On admire cette belle supériorité féminine sur l’homme, mise en valeur par le style fluide, équilibré, sobre et admirablement rythmé du narrateur qui véritablement s’efface et demeure à l’écoute de son personnage. Casanova sortirait-il vaincu, humilié de cette rencontre inattendue? "La réponse" (titre de la dernière section du livre) rétablit l’équilibre de la balance entre Francesca et son Giacomo qui, malgré son instabilité foncière, se révèle digne de l’amour de sa visiteuse d’un soir et qu’il a renoncé de la faire sienne:

"Le feu s’éteint, dit la comtesse, et toute émotion finit un jour en cendre: mais qu’il me soit permis de dire maintenant, en guise d’adieu, qu’il existe une sorte de feu et d’émotion que n’échauffe pas la magie de l’instant, que n’attisent pas les sentiments et la curiosité, l’égoïsme et l’ambition, non, dans la vie humaine couve une sorte de feu fatal que n’éteignent pas l’habitude et l’ennui, que n’éteignent pas l’accomplissement ni la curiosité coquette, que le monde ne peut éteindre, oui, que nous-mêmes ne pouvons éteindre. Ce feu fut effectivement dérobé du ciel par des mains humaines, et les dieux en voudront éternellement aux voleurs. Ce feu brûlera dans mon cœur, et je ne veux pas l’éteindre: et quoi que m’offre la vie, et si fidèle que je sois à mon tempérament et à mon genre, je saurai que ce feu ne disparaîtra pas et restera la substance de ma vie". (p. 264)

Le titre du livre de Philippe Sollers, Casanova l’admirable, apprécie apparemment l’attitude du séducteur mise en valeur dans le roman de Sándor Márai. Pourtant, il s’agit de toute autre chose. Les yeux de Ph. Sollers sont rivés sur Casanova, bibliothécaire du comte Waldstein à Dux, Duchova en Bohême, qui, en 1789, à l’âge de soixante-dix ans se met à rédiger l’Histoire de ma vie, autobiographie qui retrace ses aventures jusqu’à l’âge de quarante-deux ans. Casanova, selon Sollers, est digne d’admiration pour sa lucidité et ses dons variés: c’est un surhomme dans le domaine de la sexualité, un écrivain, un philosophe, un adepte de la Kabbale, dont les élucubrations transcendantales piègent les autres, ses victimes, et, dans une certaine mesure lui-même, justifiant par les théories de transmutation, l’inceste. Je crois que les notes juxtaposées de Sollers constituent un livre que j’appellerais Contre Stefan Zweig (naturellement, je fais allusion au Contre Sainte-Beuve de Proust). En insistant sur les aventures des plus scandaleuses de son héros, Sollers, sans s’expliquer à ce sujet, se révolte contre un certain type de "discours culturel" qui servirait à "refouler" le sujet même des Mémoires, le récit des manifestations les plus débridées d’une libido qui demande à être satisfaite. Jamais, oh jamais, Zweig n’aurait fait état des rares expériences homosexuelles de Casanova, de ses ébats avec sa fille et la mère de celle-ci. Sollers est un provocateur, mais fidèle, me semble-t-il, à l’esprit des Mémoires quand il se fait voyeur: il observe Casanova au lit en compagnie d’un couple de lesbiennes ; il guette Casanova quand celui-ci est témoin de la débauche de ses compagnons libertins. Sollers appelle une chatte "une chatte", et Casanova un fripon génial, devenu un vieillard misérable et grincheux, mais doué d’une mémoire et d’un talent de reconstitution peu communs.

A l’issue de cette ébauche d’étude sur Casanova interculturel, nous nous rendons compte que c’est la figure de Casanova éprouvant un mal du pays insurmontable qui s’impose à l’imagination des créateurs. Ce personnage nostalgique est un type universel dont peut s’emparer la "mythopoesis", l’art de "nachdichten" - difficile à traduire en français -, qui se propose d’imiter un modèle en le recréant d’une manière originale. Il est intéressant que des auteurs d’Europe centrale, en révolte contre la pruderie environnante, lecteurs de Freud, se soient plus particulièrement intéressés à ressusciter le personnage de cet Ulysse libertin et d’en faire un héros imaginaire.

Casanova interculturel met en valeur le caractère homogène de l’imaginaire européen. Néanmoins, cette figure littéraire me paraît inimaginable dans des récits anglais, portugais, espagnols ou appartenant à des littératures nordiques. Son aire culturelle me paraît être plus réduit que celui de Don Juan, un puceau en comparaison à "Monsieur six coups" Puceau? Plutôt, un personnage qui condense tout ce qui est épars, multiple, pervers (d’après notre morale d’aujourd’hui) dans Casanova, pour en faire un frère de Faust, Œdipe ou Hamlet. En guise de conclusion, je souhaiterais suggérer que la notion d’interculturalité ne se limitât point aux relations qu’une figure légendaire créée entre auteurs appartenant à diverses littératures du monde européen, mais qu’elle concerne également le processus de la création. La psychanalyse, la sociologie, la libération de mœurs, la censure volontairement assumée, interviennent nécessairement dans la création mythopoétique et, naturellement, il serait souhaitable d’en tenir compte.

 

Bibliographie

(les numéros des pages que figurent entre parenthèses après les citations, renvoient aux éditions suivantes):

Stefan Zweig, Drei Dichter ihres Lebens [1928], Fischer Taschenbuch Verlag, 1998.
Hugo von Hofmannstahl, Gesammelte Werke. Gedichte-Dramen, I, 1891-1898, Fischer Taschenbuch Verlag, 1979.
Arthur Schnitzler, Casanovas Heimfahrt, Fischer Taschenbuch Verlag, 1991.
Sándor Márai, La conversation de Bolzano [Budapest, 1940], Albin Michel, 1992.
Philippe Sollers, Casanova l’admirable, Plon, 1998.

PS.: Dans le Dictionnaire de Don Juan (sous la direction de P. Brunel, coll. Bouquins, R. Laffont, 1999), on trouve une excellente notice sur Casanova, suivie d’une bibliographie, par Chantal Thomas.



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