Internationale Kulturwissenschaften
International Cultural Studies
Etudes culturelles internationales

Sektion IX: International Scientific Community, Internet, Kommunikationsprozesse und Erkenntnisinteressen

Section IX:
International Scientific Community, Internet, Communication Processes and Cognitive Interests

Section IX:
Communauté scientifique internationale, internet, processus de communication et intérêts cognitifs


Ernest W.B. Hess-Lüttich (Berne) [BIO]

Allemand 

Anglais 
La dimension spatiale du texte ou le texte holistique (?)

 

1. L'avenue sémiotique: se faire une place par les textes

Parler de texte comme espace est un paradox sémiotique, prétend Nöth (1994, 163) dans son article "Der Text als Raum". Une conversation se structure acoustiquement sans dimension spatiale, soit séquentiellement dans le temps, alors qu'elle produit un texte qui souvent se prête à des métaphores spatiaux. De Saussure déjà, en parlant de la 'chaîne phonétique' rien qu'en termes temporels, attribuait à la linéarité des signes une dimension spatiale: la géométrie de la ligne. C'est ce que Nöth appelle un paradoxe sémiotique, et il rassemble un nombre impressionant d'exemples pour illustrer l'expression linguistique de ce qu'il appelle la géométrie et la topographie de l'espace du texte.

Nöth les trouve principalement dans l'usage méthaphorique dont la signification littérale vise des structures spatiales comme point ou ligne (première dimension) ou des topoi métatextuels d'espace comme niveau ou structures de surface (deuxième dimension) ou dans des rapports intratextuels ou intertextuels, des topoi corporels ou une structure métatextuelle d'éléments comme chapitres, etc. (troisième dimension). Ces exemples évoquent plutôt une vision statique de l'espace du texte, mais on trouve également de nombreux exemples d'une conception dynamique sous forme de changements d'espace textuel, de mouvement interne, de référence aux limites et à l'étendue et naturellement tous les moyens linguistiques de référence déictique.

Les idées de Nöth sont dans la ligne d'une théorie antérieure sur l'origine cognitive de ces expressions linguistiques, c'est-à-dire qu'elles sont, selon Lyons (Semantics, 1977, 282), une sorte de transposition des premières différences qu'on apprend pour s'orienter, localiser et bouger soi-même et les objets dans l'espace." Cela confirme la fréquence notable, relevée par les sémanticiens cognitifs, de métaphores spatiales dans le langage de tous les jours, indiquant par-là le fait biologique selon lesquel l'homme dans sa prime jeunesse perçoit l'espace et s'y oriente et cela avant l'apprentissage de la langue. (cf.Lakoff 1987, 269 à 292).

Il existe encore une autre tradition d'usage de notions spatiales pour le texte, soit la tradition de l'ancienne rhétorique. Ars et techné de la mnémonique gréco-latine étaient calqués sur l'espace. Comme Harald Weinrich le démontre si pertinemment dans son livre récent "Lethe - Kunst und Kritik des Vergessens"(1997), l'ancien concept de mémoire et, par suite, l'organisation rhétorique de la conversation et de l'argumentation (au tribunal et dans les joutes oratoires des scientifiques etc.) est tout à fait spatiale. Cette tradition n'était mise à mal que par le concept de raison au début des Lumières (memoria vs ratio au XVIIIe: philosophie et semiotique de J.H.Lambert, cf.Hess-Lüttich & Schiewer, 1997 à paraître)

Tous ces écrits ouvrent une nouvelle perspective sur le concept saussurien de la linéarité du texte.suite à la reprise en sémiotique, nourrie de plusieurs sources (cf.Hess-Lüttich & Müller éd,1994), du rapport entre vision linéaire du texte et vision holistique, il convient d'insister sur les rapports sémiotiques qui existent entre une classification cognitive de l'espace et sa représentation en texte dans divers systèmes de signes (texte non seulement au sens syntactique en linguistique).

Si la culture est une sorte de mémoire et si l'on ne coupe pas la mémoire culturelle du processus (et de l'histoire) de la communication humaine, il est loisible de combiner les deux sources mentionnées - la cognitive et la rhétorique - pour les joindre au processus culturel de semiosis qui trouve sa Gestalt (cf.lat.textus,web,Gewebe) in texto. Voilà le point de départ d'une thèse de doctorat à Kassel dirigée par W.Nöth et à paraître dans Kodikas Supplement Series (Wenz 1997) où Karin Wenz étudie la représentation sémiotique de l'espace dans le texte.

Relevant la difficulté de représenter la troisième dimension dans la linéarité des signes (phrases), Wenz soutient que le texte fonctionne par sa propre notion (métaphorique) de l'espace, ce qui permet au lecteur de se repérer au cours de sa lecture. C'est en sorte le lecteur qui se construit son espace dans le texte par l'interprétation de séquences de signes fonctionnant en Gestalt sémiotique.

On le voit très bien en regardant la façon dont réalité et fiction sont liées par l'imagination dans l'espace littéraire. Ainsi l'esthétique moderne de l'espace se dresse contre la séparation traditionnelle entre espace et temps et les moyens de représentation, par ex. peinture et roman.. C'était la ligne d'argumentation (bequemes Verhältnis) de Lessing, magistralement développée dans son Laokoon (cf. Hess-Lüttich 1984). Mais si l'on comprend la linéarité de textes comme une projection de principes sémiotiques calquée sur une sorte de ordo naturalis du langage, on peut également relever une convention culturelle ou un ordre social de l'espace au travers de textes: c'est l'affaire de classer les choses conformément au savoir partagé ou, comme l'a dit Lakoff (1987,126), on regarde les choses toujours "à l'aune de …". La façon de voir les rapports spatiaux dépendra toujours de la culture du lecteur créant des liens iconiques entre perception, langage et le monde. Cependant les codes spatiaux ne sont pas simplement les images du monde qui nous entoure, mais le mode d'emploi pour le construire individuellement et socialement.

Voilà le fond de toile sur lequel Wenz affirme que classer et imaginer ne tisse pas seulement des liens entre perception holistique et langage linéaire, mais également entre réalité et fiction, entre monde et virtualité. C'est là qu'elle sort les principes d'hypertexte, entendus comme procédé liant des données à un réseau d'information encodée en divers media. Cet arrangement simule un espace, virtuel, ou un cybèrespace. Ce qui nous pousse à notre tour à épingler le composant 'texte' de la nouvelle théorie de hypertexte de Landow (1992).

 

2. La piste historique: de la machine de Turing au générateur de texte

Dans son livre " 5 thèses sur la naissance des hypermedia" (Coy 1994 69-74; cf aussi Hiebel 1991, 186-224), l'informaticien Wolfgang Coy de Brême suit l'historique des révolutions successives en matière de communication dont la dernière agite toujours le monde avec la perspective de son paroxysme au cours du siècle à venir par l'omniprésence de réseaux-media super-efficaces. Tout comme l'écriture permit de transformer le mot en objet révisable, stockable et transmissible; tout comme au XIIe s. certains blocs structurant le texte (paragraphes,chapitres, index, table des matières) permirent de passer du MS au livre; tout comme ce développement permit à Gutenberg de faire sa révolution par son artificialiter scribere créant le livre en tant que dépositaire du savoir, brillamment illustré par les encyclopédistes; de la même façon Alan M. Turing franchissait le pas décisif permettant de "mécaniser l'effort mental" par sa machine (Nake 1992, 181-201) comportant la programmation algorythmique de robots: "La galaxie de Gutenberg des moyens statiques d'imprimerie fut avalée dans la galaxie de Turing permettant la programmation" (Coy 1994, 71).

Cette possibilité théorique d'encoder des textes numériquement quelques soit leur type et structure sémiotique commence à produire des résultats: la variation d'impulsions mécaniques, électriques, thermodynamiques et biochimiques, tout comme l'attribution sensible de valeurs pour les cinq sens

trouvent pour la première fois dans la numérisation un moyen commun pour mobiliser une mémoire de machine capable de copier, de convertir, de stocker et de transmettre des données.

Nous vivons cette révolution du texte familier (avec la possibilité de distinguer entre original et copie et photo et négative) vers l'envoi de messages électroniques ou le transfert de textes par internet etc.ou en nous plongeant dans la virtualité des animations multimedia, manipulant notre capacité de perception.

L'ordinateur devient la machine capitale d'intégration des media, permettant de nouvelles possibilités d'interactivité par l'algorythme (Coy ibid.) Nos contacts quotidiens sont réglés par la communication à travers les multimedia, qu'on le veuille ou non. Notre perception est altérée par des robots: "l'histoire des media est une histoire de modèles de perception". (Bolz 1990, 134). L'emploi holistique de signes pour opérer avec des concepts comme hypertexte exige de nouvelles façons de voir, de parler et de penser. Est-ce que nous y sommes prêts? "Parlerons-nous le langage de l'ordinateur?" (Gauger & Heckmann éd.1988). Ou est-ce que la machine parlera la nôtre?

 

3. La perspective structurelle: la programmation de l'intégration multimédiale du texte

Les amateurs de théories de texte savent apprécier les changements techniques intervenus en matière de réalisation et de gestion de textes par l'émergence du concept d'hypertexte et leurs effets sur les moyens de communication et les formes linguistiques encore linéaires de modèles de textes (cf.Kuhlen 1991). Une signification de structure langagière opérant avec des signes liés ne se conformera pas seulement à des règles de grammaire, mais englobera également de nombreux ensembles de signes multimedia encodés sémiotiquement (Hess-Lüttich op.cit.1994).

La conception de systèmes se fait par la combinaison de quelques éléments seulement (Rieger 1994, 390ss; Fendt 1995,53-77). La liaison électronique de bases de données de diverses structure et fonction (texte, graphiques, sons, animations etc.) par l'intermédiaire de moyens de traitement (logiciels) et souris, ancres ou icônes permet d'utiliser la technique des fenêtres pour produire, présenter, modifier et répéter tout à tout moment. Chaque fenêtre ouverte à l'écran correspond à un nœud de la base de données sollicitée par les liens appropriés et susceptible d'être connectée à d'autres nœuds. Ces nœuds et liens, ces textes (au sens sémiotique) remplissent la fonction d'éléments d'information et de raccords intertextuels (au sens de marqueurs) et sont les éléments de base du concept d'hypertexte. C'est pourquoi beaucoup d'auteurs se sont penchés sur cette question sans pour autant arriver à un consensus définitoire (Nielson 1990; Kuhlen 1991). L'hypertexte fournit la structure réticulaire par laquelle l'"auteur" écrit des "leçons" à l'adresse du "lecteur" dans le texte, formant des liens automatiques ou régulés par l'auteur qui produit de nouveaux liens et nœuds en manipulant la base de données, en y ajoutant des données ou en en créant une neuve. Des liens ou nœuds peuvent surgir à différents niveaux permettant une divagation cognitive à l'instar d'un parcours dans un ouvrage de référence du type dictionnaire ou encyclopédie. De ce fait, le lecteur est libre d'organiser sa lecture comme il l'entend.

Il est clair qu'il risque de cette façon de s'égarer dans le dédale de textes, nœuds et bifurcations, étant selon l'expression bien sentie "en cyberperdition " C'est le prix à payer pour la liberté de contact avec les textes, mais il y a aussi le risque de se noyer dans la vague déferlante d'information, d'être

abasourdi par le bruit ("data trash"). Pour y remédier, il faut prévoir des aides à la navigation qui simplifient la nature réticulaire d'hypertexte, servant d'orientation et permettant au lecteur/auteur de se faire un cadre de repérage cohérent pour savoir laquelle parmi les diverses voies de lecture et d'alternatives de texte est à prendre.

A titre d'exemple, il pourra enrichir ses connaissances en lisant des textes sur un sujet historique ou culturel ou aller de façon ciblée vers des commentaires ou des explications de mots clés pour les comparer à des concepts voisins. Il mobilisera à cet effet sa bibliothèque digitale d'ouvrages de référence par clic de souris.

Ce qui pourrait être une perte possible côté complexité contextuelle (par la réduction du nombre de textes dans le cadre de nœuds et de tranches choisis) est compensé par le choix d'avenues invitant le lecteur à de multiples nouvelles visions sur le texte, n'étant en fait limité que par les contraintes du système. De ce fait, le libre choix n'est pas aussi infini qu'on l'a souvent dit.

Les moyens mis en œuvre pendant des siècles dans la culture du livre pour se faire une idée sur les choses (Clausberg 1994, 5-9) sont encore dans leurs balbutiements côté hypertextes. La bataille sur les modalités des aires de contact homme - machine par symboles ou icônes est terminée. On crée maintenant un modèle d'interface qui tienne compte non seulement des aspects techniques, mais également d'aspects cognitifs, perceptifs et émotionnels (cf.Laurel 1990, xi).

Les solutions sémiotiques proposées ça et là en la matière sont propres à une culture donnée et souvent métaphoriques (Caroll, Mack & Kellog 1988). On se plaît à trouver son compte par des cartes topographiques des données. Des textes sont présentés comme au bureau (plutôt en américain) sous forme desktop en documents ou fichiers dans des dossiers - qu'on met au panier. La simplification d'approche (user friendliness) tant vantée devrait réduire l'effort d'apprentissage du mode d'emploi pour libérer le chercheur pour sa recherche. Mais commencer à se demander si l'image icônique proposée pour telle démarche peut être comprise par tout le monde (avec des visées de normalisation!), revient au même que d'exiger que les principes modélisant l'interface correspondent à la théorie dramatique d'Aristote ou encore, comme Brenda Laurel l'espère (1991,125-59), produisent une charge émotionnelle chez l'usager.

 

4. La diversion esthétique: hypertexte, littérature et machine

Depuis la parution du grand œuvre de Theodor Holm Nelson sur les machines littéraires (1987), de plus en plus de voix se sont fait entendre pour réclamer une théorie littéraire fondamentale pour le concept d'hypertexte (Bolter 1991; Delany & Landow éds 1991; Landow 1992). Dans la bagarre, c'est le manque de décence de l'Amérique qui a prévalu et tout le monde s'est rallié avec joie au qui mieux mieux. Il est peu probable que Roland Barthès ait été très au courant du monde digital dans sa retraite sans informatique des années 60; cependant, son texte "Aussi loin qu'on peut voir" (1974, 11; Bolter 1991, 161; Landow op.cit.3), est plutôt visionnaire et cela après la découverte du langage informatique qu'il doit avoir sentie comme étant la deuxième révolution de l'histoire des idées mettant à plat toutes les notions en vigueur de culture, de littérature et de société (Bolter 91, 233ss). Tout est réquisitionné: de la mishna juive à l'avant-garde littéraire (Landow 1992), de l'ars poetica d'Horace à l'ars combinatoria d'hypertextes, des mythes anciens aux machines modernes (Bolter 1991, 35ss) dans la quête de validation de l'affirmation selon laquelle l'hypertexte "est un concept littéraire par excellence" (Slatin,1988, 112) avec citation de précurseurs et vues ou inventions de parallèles. Du calme! dirait-on à l'européenne.

Landow a étudié la poesie d'Aristote et, surprise ! l'hypertexte n'en veut pas. Plus de séquences fixes, de débuts et fins marqués, de canons de récit, ni de concept d'unité ou d'intégralité (op.cit 102). Il est un fait que les principes poétiques d'Aristote ont souvent été mis à mal, même par des auteurs travaillant à la plume d'oie, lesquels, il est vrai, font partie de la masse rapidement grandissante des précurseurs d'hypertexte. On est rassuré de trouver mentionnés Tristram Shandy avec ses digressions et Ulysses et Finnegan's Wake avec leurs enchaînements d'évocations encyclopédiques et le réseau référentiel subtil (Eco 1987, 72; id 1990,138) ou des auteurs comme Alain Robbe-Grillet, Jorge Luis Borgès ou Vladimir Nabokov. Leurs œuvres servent de justification à l'essai de l'auteur "de se distancer d'une lecture imposée de leur texte en rompant avec la linéarité du texte (Ledgerwood 1997, 550).

Il est vrai que le livre a toujours eu début et fin. Mais quelle est la force qui nous conduit à une linéarité de lecture? N'était-ce pas précisément les textes d'anciennes cultures qui nous ont libérés d'une telle contrainte: les signes de Lao Tsé, les manuscrits de la mer morte, le talmud, la bible chrétienne? Qu'on se reporte seulement à un passage du talmud: page calligraphiée et magnifiquement ornée de titres et de notes en bas de page, au corps central le texte de la mishna hébraïque, encadré de commentaires par le gemara araméen, élargi par les explications des haggadah, évoquant des paraboles et sous-tendues de remarques mnémotechniques et de jeux de mots, avec des renvois à d'autres passages, de même sur les MS bibliques du Moyen-âge des insertions, des notes en marge, des corrections, des commentaires repris de siècle en siècle. Ainsi avec le temps s'est développé "un épais amas de textes sur des textes comportant de nombreuses références et argumentations sur tous les errements herméneutiques sous forme de divers commentaires, le tout en appelant à un travail interprétatif sans fin" (Fendt, 1995, MS

93).

Quel travail minutieux s'effectuant au cours des siècles sur les MS dans les écritoires monastiques en témoignage de la lecture critique qui en a été faite et déposé, couche par couche, dans des commentaires interlinéaires ou marginaux, toutes ces traces indiquent une pluralité d'auteurs anonymes dont chacun a contribué au développement et à l'épaississement du texte ! C'est précisément ce qui attire le lecteur d'un hypertexte en ouvrant fenêtre sur fenêtre pour voir ce que les auteurs ont amassé avec le temps et semé comme Larousse. C'est ainsi que la mémoire du texte est mise à jour et élargie vers une immensité et une impénétrabilité insoupçonnées, trouvant sa seule limite dans la capacité de stockage de l'ordinateur. Ceux qui s'égarent dans le dédale pourront se consoler - leur culture aidant, comme nous l'espérons - des traditions de l'amoureux Thésée littéraire pris dans les rets du texte depuis l'antiquité et portées à son comble au XVIIe siècle et par lesquelles le fil d'Ariane des leçons linéaires n'a jamais assuré une issue heureuse.

Non-linéarité, interactivité, intertextualité, pluralité de types de lectures et ouverture de pistes pour le lecteur, voilà des données hypertextuelles qui abondent dans la littérature de jadis et naguère. Fendt (1995, 108) tire le bilan des efforts entrepris pour sortir des textes d'auteurs qui en (ont) " fait un programme, en essayant des modèles esthético-littéraires avec un incroyable nombre de critères qui tous s'appliquent à l'hypertexte". Par ailleurs, les inconditionnels de la 'théorie littéraire post-moderne' se permettent allègrement des entorses métaphoriques aux idées de Derrida ou de Bataille voire de Sebeok en évoquant la "semiosis illimitée du tissu sémiotique". On pourra toujours coder des segments ou des liens dans un système d'hypertexte; le nombre possible de liens repousse les limites matérielles de la capacité de l'ordinateur (et les limites matérielles du perceptible). Il faudra bien quelqu'un qui crée dans les limites de la capacité du logiciel les liens entre des unités de texte préconisées. Ces unités (textes, nœuds, segments) devront comporter des interfaces significatifs pour aménager d'autres liens (pas forcément prévus initialement); en fonction du nombre de liens, la lecture perd en pertinence du point de vue d'unité à fonction sémantique; les liens ne sont pas tous également plausibles, quoiqu'en disent certains théoréticiens d'intertextualité, dont les jeux de créer des liens entre tout et tout font rêver, et qui sont à l'écoute de la polyphonie de voix dans la chambre d'échos de la Bibliothèque générale (Barthès op.cit).

S'il était vrai que tous les liens sont également valables, on pourrait se passer de toute justification. Eco (1990) dénonça la revendication du "quelque chose pour tout le monde" et exige le critère du plausible pour Derrida ou Bataille. Il rétorqua à Pierce que même en admettant un nombre illimité de liens possibles entre des interprétations données par l'usage de signes (complexes), le nombre de liens effectivement choisis est fini et limité. C'est que tous les métatextes n'ont pas une valeur égale par rapport au texte. Il y en a qui passent, alors que d'autres sont écartés à raison. Certains liens sont plus pertinents que d'autres; beaucoup de pistes conduisent à des impasses. Il conviendrait de garder ces réflexions à l'esprit lors de l'élaboration de futures théories de texte sur l'hypertexte: inutile de brouiller la piste avec des théories littéraires et esthétiques de texte!

 

Literature

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(Traduction: Herbert Eisele)

 

 



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